Gueules d’amour, voyous tatoués, et silhouettes élégantes se détachant dans la fumée des cigarettes : avec Un Chant d’amour, Jean Genet réalisait son seul film, clef de voûte du cinéma gay et ode sulfureuse à l’érotisme des criminels. C’est dans ce trouble univers que s’aventure Nicolas Medy pour la suite de sa collaboration avec le groupe de Rebeka Warrior et Carla Pallone, pour lequel il avait déjà réalisé le chevaleresque Auf Wiedersehen. Le cinéaste reprend le motif des prisonniers s’aimant à travers les murs d’une prison, mais le réinvestit d’un imaginaire plus lesbien, plus heroic fantasy aussi.
Dans ce poème sombre, une religieuse jouée par la performeuse Helena de Laurens (est-ce la même mère supérieure que dans Auf Wiedersehen, qui prônait le silence et la chasteté ?) arrive à cheval sur l’île de Maldoror et dans son immense forteresse dont l’artifice médiéval rappelle autant Edward II de Derek Jarman que Perceval le Gallois d’Éric Rohmer. Y sont recluses celles qui ont été condamnées à mort (incarnées avec magnétisme par Rebeka Warrior, Carla Pallone, Sonia Deville, Fred Morin, Romy Alizée, Ha Kyoon…) pour avoir goûté à des amours défendues.
En quelques plans emplis de mélancolie, le cinéaste fait sentir les heures qui s’écoulent, la solitude à fleur de peau des prisonnières, toutes en poses feutrées serties de sublimes clairs-obscurs colorés. Suivant la litanie que vont répéter rituellement chacune d’elles (« Je vis d’amour ») avant que la religieuse elle-même ne la prononce, la caméra invente alors les passages secrets entre les cellules de la prison, des interstices où le désir circule sans entrave. Cette force affective est accueillie avec éclat, lyrisme et solennité par Nicolas Medy, qui filme ce bagne comme une utopie où à travers les murs transperce un ardent désir d’amour et d’émancipation collective.
Image : (c) Laurens Saint-Gaudens
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