« Il y a quelques années, l’Opéra de Paris, par l’intermédiaire de Benjamin Millepied et ses collègues, m’a proposé une carte blanche. Heureusement, il y avait des contraintes : un budget de 15 000 euros et un délai de seulement deux mois. J’ai écrit un projet complètement barré. Des liens étaient tissés entre la voix de chanteur, les cris des bébés et des gémissements de jouissance ! L’Opéra m’a aiguillé vers la soprano et chef d’orchestre canadienne Barbara Hannigan. Elle m’a googlé, je l’ai googlée, on s’est rencontrés.
« Serre moi fort » de Mathieu Amalric : fragments d’un départ
Brighton, le 12 mai 2015. Elle dirigeait un concert. À la fin, je la vois arriver, avec son costume sous le bras et sa valise. On va boire une bière. Elle me donne les dates de ses prochains concerts. Le tournage débute deux semaines plus tard à Vienne. On était intimidés, je ne savais pas ce que je voulais faire. Elle avec son talent, moi avec mon matériel de tournage – pour le son, j’avais piqué le H2 de mon fils.
Elle me prévient qu’elle doit chauffer sa voix. Et putain ! Ah, je ne savais pas que c’était comme ça ! Normalement, c’est intime et secret, on ne le voit jamais. La caméra commence à la caresser. Je cherche des plans utilisables. Sa bouche, ses mains contre son ventre, ses pieds. Je vais même jusqu’à filmer l’intérieur de sa bouche !
Mathieu Amalric : esprit, es-tu là?
Je continue à la filmer, je vais dans sa loge. Nous sommes seuls dans une pièce. On ne se parlait pas, rien du tout. Tout au long du tournage, je découvre que c’est une fille très drôle. Je me dis : « Elle est pas possible cette fille ! ». À cette période, je me disais : « L’amour, c’est terminé. » Et puis… On se retrouve dans l’Opéra, je filme ça, elle me lance des regards caméra, les yeux dans les yeux.
Après le tournage, j’ai invité Barbara à Paris pour qu’elle voie le film. C’est le moment où ça passe ou ça casse. Elle était chamboulée. Notre histoire d’amour a commencé. Ce geste, ce documentaire, nous a mêlés l’un à l’autre, c’est certain. Depuis, je l’ai filmé de nouveau pour un long portrait diffusé sur Arte, mais C’est Presque au bout du monde documente autant son travail que notre rencontre. Ce film a changé notre vie. »
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