Trois couleurs. Blanc est le film de la trilogie qui se rapproche le plus d’une comédie. Kieślowski avait-il beaucoup d’humour ?
Il pouvait être très sérieux, mais on riait pas mal ensemble. C’était un humour sombre, sur sa propre mortalité. Pour moi, c’était quelqu’un d’assez convivial. Il me faisait rire même quand il ne le voulait pas. Je me souviendrai toujours, il y avait cette scène où je devais avoir un orgasme. Il voulait que je hurle de plus en plus, à faire tomber les vitres. Et il était obsédé par le minutage de cette séquence. Donc il était très près de moi, sous la caméra, à fumer trois paquets de cigarettes dans la demi-heure, à regarder sa montre avec ses grosses lunettes. J’essayais de faire abstraction, mais je le voyais, et ça me faisait rire.
Un podcast pour l’après-midi: Une balade à travers l’oeuvre de Krzysztof Kieślowski
Comment était-il sur le tournage ?
Il n’était pas dans la psychologie de bazar. Je lui ai plusieurs fois demandé à quoi pensait mon personnage, pourquoi elle faisait ça. Lui me posait la question : « À quoi elle te fait penser ? » Je lui ai dit : « À une chatte, Nénette, que j’avais et qui était tout le temps en chaleur, mais qui était tellement tendue qu’elle n’arrivait pas à se faire sauter. » Évidemment, ça l’a fait rire, et il m’a dit : « Eh bah voilà, c’est ça, ne pense à rien d’autre, pense à Nénette. » Pour moi, le pire, ce sont les descriptions psychologiques super compliquées, à la fin je ne sais plus de quoi on parle. Il avait en lui cette compréhension de l’instinct de l’acteur, de son côté animal.
Kieślowski a-t-il eu une influence sur votre travail de réalisatrice ?
Après le film, on s’est beaucoup vus pour discuter de cinéma et du fait que je voulais être réalisatrice. Je lui parlais de Douglas Sirk, de Vincente Minnelli, et lui me parlait de la vie. Il me disait de regarder des docus et d’observer les gens, ce qui est devenu une obsession pour moi. Il m’a soutenue pour que j’aille faire mes études de cinéma à la New York University. C’était un soutien moral, ce qui super important quand on est une jeune femme peu sûre d’elle. Il y a d’autres réalisateurs qui ne m’ont pas dit ça, hein. Il y en a même un qui m’a sorti : « Plus personne ne va te désirer. » Évidemment, je lui ai rétorqué : « Va te faire foutre. »
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