« La Loi de Téhéran » : un polar intense sur fond de corruption

Avec ce sidérant polar ancré dans la brutale réalité du trafic de drogue en Iran, Saeed Roustayi frappe fort par sa brillante mise en scène et son art de la confrontation morale. Une grande tragédie sociale, Grand Prix de la compétition internationale au festival du film indépendant de Bordeaux.


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Course-poursuite aux abords d’un chantier assourdissant, horde de toxicomanes parqués dans des cylindres en béton, commissariat où s’entassent des miséreux à qui l’on ordonne de se mettre nus : le deuxième film de Saeed Roustayi (après Life and a Day en 2016, inédit en France) sidère dès les premières minutes avec un flot d’images qui laisse une marque indélébile.

La Loi de Téhéran dépeint la réalité d’une toxicomanie qui a brutalement changé de visage ces dernières années en Iran, au point d’être devenue de plus en plus visible dans les rues. La dépendance au crack a tellement modifié l’environnement social du pays (qui compterait désormais 6,5 millions de consommateurs de drogue) que le jeune cinéaste a d’abord voulu réaliser un documentaire sur le sujet avant d’opter pour le polar.

Le film suit l’enquête de Samad, policier obsessionnel qui retrouve enfin la trace du parrain de la drogue qu’il traquait depuis un an. S’engage une confrontation à la fois judiciaire, morale et psychologique dans laquelle est autant décortiqué le fonctionnement des institutions iraniennes que celui des réseaux de narcotrafiquants. Les figures du flic (excellent Payman Maadi, déjà vu dans Une séparation d’Asghar Farhadi) et du criminel (Navid Mohammadzadeh) apparaissent progressivement comme les deux revers d’une même médaille, chacun s’estimant dans son bon droit et considérant ses propres turpitudes comme le fruit d’un système global.

L’intense portrait de la corruption individuelle et collective qui ronge la ville de Téhéran rappelle la fougue du cinéma de William Friedkin (French Connection), mais La Loi de Téhéran s’impose surtout comme une œuvre hautement personnelle à la mise en scène étincelante. Au bout de cette poignante tragédie qui explore les conséquences matérielles et physiques du trafic de drogue, le dernier plan – retranscription d’une vision du réalisateur qui a déclenché le projet – conclut magistralement le récit en mêlant réalisme, surnaturel et fatalisme.

: La Loi de Téhéran de Saeed Roustayi, Wild Bunch (2 h 10), sortie le 28 juillet