Sandrine Kiberlain – Vincent Lacoste : « On a tout de suite senti qu’on aurait une efficacité dans le jeu »

C’est un couple de cinéma qu’on n’attendait pas. Sandrine Kiberlain et Vincent Lacoste se donnent la réplique pour la première fois dans le très réussi « Le Parfum vert » de Nicolas Pariser. En nous baladant en Europe, cette comédie d’espionnage ludique et référencée raconte la fuite, après un meurtre mystérieux, d’une dessinatrice de BD et d’un acteur de la Comédie-Française qui peu à peu tombent amoureux. Une rencontre fortuite qui créé des étincelles – à l’image de celle des deux acteurs. Entretien.


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C’est la première fois que vous jouez chez Nicolas Pariser. Qu’est-ce qui vous a charmé dans son univers ?

Vincent Lacoste : J’avais adoré ses deux premiers films, Le Grand jeu et Alice et le maire. Je trouve qu’il a un univers bien à lui, avec une espèce de drôlerie et en même temps une intelligence dans les dialogues.

Sandrine Kiberlain : Moi pareil, j’ai aimé ce qu’il avait fait avant de lire le scénario et puis ça s’est confirmé en le lisant. C’était encore autre chose que ses précédents films, c’était plus en mouvement, plus de l’ordre de la comédie d’aventures.  Quand j’avais un doute, par exemple sur une poursuite ou dans l’intrigue ou le jeu, j’imaginais comment lui allait le mettre en scène et ça me mettait en confiance. En fait, c’est un film vraiment dessiné, c’est un croquis d’acteurs, et jouer des personnages comme ça, c’est quand même un cadeau.

« Avec Vincent, c’est un peu comme avec les enfants : on ne sait pas trop ce qu’il fait, on ne s’attend pas à ce qu’il va faire. »
Sandrine Kiberlain

Et entre vous deux, ça s’est passé comment cette première expérience ? Comment vous êtes-vous apprivoisés ?

V.L. : On fait semblant ! Non mais en fait, on ne se connaissait pas tellement. J’étais trop content d’apprendre que Nicolas avait écrit les personnages pour nous deux. J’étais un grand fan de Sandrine, je trouve qu’elle a un rythme de comédie hyper fort et rare, j’avais envie de jouer avec elle. Et puis on a commencé par des scènes de pur jeu.

S.K. : Oui, il fallait être très efficace. Il y avait des situations qui faisaient qu’au début du tournage on avait très peu de temps pour jouer, et on a tout de suite senti qu’on aurait une efficacité dans le jeu.

V.L. : Ouais c’est ça. Et puis Nicolas, il fait très peu de prises, donc ça nécessitait de bien s’entendre. Si les deux personnes ne jouent pas sur la même longueur d’onde, ça peut être très laborieux. Et là, y’avait un truc très naturel directement.

S.K. : Je pense que Vincent et moi on a des choses communes, on ne cherche pas à faire rire, on n’est pas dans le jeu de mots, on vit les situations. Dans le corps aussi : on est assez physiques. Le film nécessitait ça, d’être dans le rythme, en cavale, mais en cavale drôle. En cavale avec des gens qui ne savent pas trop cavaler. Et puis avec Vincent, c’est un peu comme avec les enfants : on ne sait pas trop ce qu’il fait, on ne s’attend pas à ce qu’il va faire. Il y a des acteurs, on voit le truc. Avec lui, c’est tout le temps surprenant. Ce n’est pas si fréquent.

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Vincent, votre parcours est lié au monde de la BD, puisque votre premier rôle, c’est Riad Sattouf qui vous l’a offert avec Les Beaux Gosses (2009), mais vous en lisez beaucoup au quotidien ? Et vous Sandrine, quel est votre rapport à la BD ?

V.L. : Oui j’adore ça, j’ai toujours été un grand lecteur de BD. J’adore Tintin, les BD de Margerin ou Gotlib, c’est vraiment ma culture à fond.

S.K. : Gotlib j’adore aussi. Mais moi je ne lis pas du tout de BD sinon. J’avais tous les Aggie, vous voyez ? Elle était géniale. C’était une grande blonde comme ça… J’avais même envie d’en faire un film. Mais sinon, j’ai une passion pour le dessin. J’ai eu 20 en dessin au bac, ce serait bien que ça se sache d’ailleurs !

V.L. : 20/20 ?! Ça va finir par sortir.

S.K. : Oui, j’ai pas assez parlé de ça. Non mais j’adore le dessin, mais quand c’est devenu une possibilité de métier, ça m’a empêchée de dessiner. Je n’arrive à dessiner que si je n’ai pas de rendu, si ce n’est pas un devoir. Donc j’admire beaucoup les dessinateurs de BD parce qu’il faut construire une histoire, rester dans une chose précise, alors que moi ça naviguait du dessin à la peinture, je ne savais pas du tout où j’allais. Mais en tout cas, quand j’ai vu que mon personnage était une dessinatrice de BD, ça m’a vachement plu. Un peu comme le personnage de Brigitte Fossey dans La Boum [l’actrice y incarne la mère de Vic, jouée par une toute jeune Sophie Marceau, ndlr]. J’adore qu’elle ait cette profession parce que ça veut dire qu’elle a de l’esprit, elle dégage un truc d’indépendance, de liberté que j’aime. 

V.L. : Ouais, puis c’est cohérent avec le film. Ça l’ancre dans le monde de la BD. Je trouve que c’est rare que les films parlent, mettent en valeur ce monde-là. Là c’est le cas, notamment avec l’univers de Macherot [auteur de la BD belge à succès comme Sibylline et Chlorophylle, ndlr], dont il est vachement question dans le film.

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Vos deux personnages ont en commun d’être très anxieux. Vous vous sentez familiers avec ce sentiment l’un et l’autre ?

V.L. : Ça, c’est Nicolas, qui transpire des deux personnages !

S.K. : Je n’ai jamais vécu les angoisses de Nicolas. J’ai jamais été comme ça. Mais ça m’amuse beaucoup de le jouer. Surtout que Nicolas, dans la vie, est très drôle.

V.L. : Ouais, il est hilarant.

S.K. : Parce qu’il sait comment il est, il a une autodérision… Exactement comme nos personnages dans le film. Il nous a dit qu’il avait commencé à vivre à 35 ans parce qu’avant il était trop angoissé.

V.L. : Il joue vachement de ce côté anxieux. Je trouve que c’est un excellent concept d’allier film d’aventures mais avec deux névrosés, d’utiliser comme référence les films de Philippe de Broca, L’Homme de Rio ou des films comme ça avec ce genre de personnages.

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L’histoire d’amour qui naît entre vous paraît très fluide, naturelle et ce qui est intéréssant, c’est que le film ne va jamais faire de leur différence d’âge un enjeu.

S.K. : Parce qu’il n’y en n’a pas ! J’ai le même âge que Vincent. Enfin, à deux ans près. Non mais ce que j’ai vachement aimé en lisant le scénario et en voyant le film, c’est que moi-même je ne me suis pas posée la question. Aujourd’hui, on s’en fout de qui a quel âge. Et j’aime bien cette liberté.

V.L. : Je pense aussi que c’était en opposition des films auxquels le film se réfère. La Mort aux trousses par exemple, où c’est toujours Cary Grant qui est avec des femmes plus jeunes.

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Le film joue avec ces codes du film noir, du thriller américain classique à la Hitchcock. Est-ce que certains personnages de ce cinéma-là ont pu vous inspirer l’un et l’autre ?

S.K. : J’ai pensé à Fenêtre sur cour, ou bien La Vie est belle de Capra.

V.L. : Et moi Cary Grant dans La Mort aux trousses justement. Mais c’est une référence énorme.

S.K. : On pense à James Stewart quand on te voit. Tu es un peu notre James Stewart.

V.L. : C’est gentil ! Moi je suis méga fan de ce mec. Il m’inspire pour tous les films. C’est le plus grand acteur de tous les temps je pense. J’essaie de m’en approcher le plus possible. Mais oui j’avais ces références-là en tête, ces personnages qui ont une espèce d’humour et de féminité, parce que c’est quand même des films tournés dans les années 1940-1950, donc une époque où il y avait beaucoup de mecs très virils. James Stewart il a une légèreté, une élégance. Il fait candide un peu.

S.K. : Il a toujours un sourire dans l’œil. Moi je pense souvent à Katharine Hepburn aussi, qui elle aussi mélange l’élégance et l’enfance. Ce sont des femmes qui m’inspirent parce qu’elles ne sont pas dans la séduction, elles ont de l’esprit, des personnalités libres.

Le Parfum vert de Nicolas Pariser, Diaphana (1 h 41), sortie le 21 décembre

Image : © Diaphana Distribution