Pour Steve McQueen, « 12 Years a Slave » n’aurait pas vu le jour si Obama n’avait pas été élu

Lors de la présentation de sa dernière installation « Sunshine State » au Festival International du film de Rotterdam, le cinéaste est revenu sur le contexte de création et la réception de son œuvre oscarisée « 12 Years a Slave ».


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Invité au Festival International du Film de Rotterdam (qui dure jusqu’au 5 février), le cinéaste et artiste britannique Steve McQueen a présenté Sunshine State, un travail intime et politique composé d’un enregistrement vocal racontant le rapport des personnes racisées à l’art, juxtaposé à des images du film The Jazz Singer d’Alan Crosland de 1927.  

Il a profité de sa venue pour évoquer la création et la réception de son puissant 12 Years a Slave, Oscar du meilleur film en 2014. Inspiré de faits réels, ce drame historique raconte l’histoire de Salomon Northup, homme libre, père de famille et violoniste dans l’État de New York, enlevé en 1841 à l’âge de 33 ans et vendu comme esclave en Louisiane. Un récit ahurissant, une mise en scène captivante, et une onde de choc mondiale pour un film qui, quelques années avant que n’émerge le mouvement Black Lives Matter, est arrivé dans un contexte politique particulier aux Etats-Unis.

PAS DE PROJECTION A LA MAISON BLANCHE

Interrogé à Rotterdam sur le fait que le film, bien qu’oscarisé, n’ait jamais eu droit à une projection à la Maison Blanche, le cinéaste a partagé une théorie pour l’expliquer. Quatre ou cinq ans plus tôt, Obama avait essuyé une polémique, suite à l’affaire autour de l’universitaire Afro-Américain Henry Louis Gates (qui, en 2009, avait été soupçonné d’une tentative de cambriolage par sa voisine puis interrogé par la police, alors qu’il rentrait chez lui). Suite à cet épisode, le président avait jugé cette histoire « stupide ». Le président américain avait été ensuite accusé d’avoir pris parti. Pour ne susciter aucune nouvelle polémique, le film n’aurait pas été projeté à la Maison Blanche.

PAS DE 12 YEARS A SLAVE SANS OBAMA

Mais, toujours, d’après le cinéaste, le film n’aurait sans doute jamais vu le jour si Obama, premier président Noir de l’histoire des Etats-Unis, n’avait pas été élu. Présent sur place, le magazine Variety a recueilli les paroles de McQueen : « 12 Years a Slave‘ n’aurait pas pu être produit si Obama n’avait pas été élu président [en 2008, ndlr], c’est certain. Absolument pas. Je n’aurais pas eu l’argent.  Je pense que le fait qu’il y ait eu un président noir à ce moment-là a donné envie aux gens [d’entendre] ces histoires, et a rendu possible le film. » 

Toujours aussi engagé, l’artiste et cinéaste prend à cœur d’observer pour mieux les dénoncer toutes les formes qu’ont pu prendre les oppressions racistes dans l’histoire récente. En 2020, dans sa poignante mini-série Small Axe, qu’il avait dédiée à George Floyd, il évoquait les tensions sociales, le racisme et l’activisme noir dans le Londres des années 1960 jusqu’au milieu des années 1980. Dans une interview donnée à Deadline, le cinéaste résumait ainsi sa démarche : « J’essayais de combler un vide du mieux que je pouvais, sur des films qui auraient dû être faits mais qui ne l’ont pas été et qui ont beaucoup à voir avec mon enfance à Londres. Ce sont des histoires très personnelles sur le Londres que je connais. »

On sait que le réalisateur poursuit sur sa lancée en travaillant sur son prochain film, Blitz, pour lequel il a fait appel à Saoirse Ronan et Harris Dickinson. Il y racontera les destins croisés de personnages durant la campagne de bombardement de l’Allemagne contre le Royaume-Uni, entre 1940 et 1941.

Steve McQueen recrute Saoirse Ronan et Harris Dickinson pour « Blitz »