LES DÉMONS DE DOROTHY d’Alexis Langlois
Dorothy (Justine Langlois, sœur et alter ego du cinéaste) a les idées noires : son nouveau scénario, Bikeuses amoureuses, n’a pas convaincu les financeurs. Trop de lesbiennes révolutionnaires, trop de poitrines XXL, pas assez « universel ». Sa productrice Petula (Nana Benamer) et sa mère (Lio) lui suggèrent, histoire de devenir plus mainstream, de s’abreuver du sang de la très hype Xena Lodan (Dustin Muchuvitz), réalisatrice du bourge L’École de la vie.
Contre ces figures qui se transforment en démones outrées, le cinéaste se fait Buffy-contre-les-gens-ternes, se souvenant des commissions qui lui avaient intimé d’adoucir son revenge movie trans, l’énervé De la terreur, mes sœurs ! Warrior de la flamboyance, il invoque les mauvais esprits du cinéma dont il affiche les portraits dans la chambre de son héroïne – Magdalena Montezuma, Barb Wire…
Des freaks anges-gardiennes à l’aide desquelles il fait imploser les carcans de la demi-mesure, du bon goût, de la straightness au cinéma. Car à chaque fois que Dorothy s’autocensure, ses motardes avides de léchouilles s’échappent de la fiction et l’entraînent dans des virées fantasmatiques bien plus folles, sexy et vaporeuses. C’est cette idée sincère que défend Langlois – qui prépare actuellement son premier long –, celle d’un cinéma qui lui permettrait de s’éclater autant avec ses spectateurs qu’avec ses personnages. · Quentin Grosset
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CÂLINE de Margot Reumont
Coline, une jeune femme ayant quitté la vie à la campagne, retourne dans la maison où elle a grandi pour faire le tri parmi ses souvenirs, ceux qui l’ont construite ou blessée. L’usage du flash-back permet à Coline de faire face à ses traumatismes enfouis. A travers l’héroïne, le spectateur se retrouve plongé dans un film d’animation qui explore sur les non-dits et la capacité de résilience. La réalisatrice Margot Reumont cherche à sensibiliser aux violences au sein du microcosme familial.
Ce film aux airs de fable enfantine sur le passage à l’adolescence s’avère donc bien moins tendre que ce à quoi l’on s’attend. Ce dessin animé aux teintes pastels, au rythme fluide, à l’atmosphère paisible et ludique déploie un arc narratif complexe. Une écriture limpide qui nous laisse cependant dans l’attente de la découverte finale du vrai sujet : l’inceste. Avec ce titre illusoire et paradoxal, le court-métrage fait exploser au grand jour ce qui fait imploser les victimes de violences intra-familiales. · Marie-Manon Poret
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PARTIR UN JOUR d’Amélie Bonnin
Julien (Bastien Bouillon, tout en flegme), un romancier revenu dans sa ville natale après une longue absence croise Caroline (la chanteuse Juliette Armanet, malicieuse), une ancienne camarade de classe devenue caissière, dont il était amoureux. Ils s’embarquent alors dans une virée à la piscine du coin, où un bain nocturne deviendra le moyen d’évoquer les occasions manquées et les sentiments tus…
De ce canevas romantique très classique, Amélie Bonnin tire un récit rafraîchissant, qui emprunte sa forme au karaoké, avec tout ce qu’il génère de nostalgique et de ludique. À la façon d’Alain Resnais et son film musical On connaît la chanson, la réalisatrice fait éclore les états d’âme de ses personnages grâce aux paroles de morceaux populaires et intergénérationnels. Un film où se dessine discrètement le tableau d’un retour impossible à l’adolescence, mais aussi du choc social et culturel, Julien étant un transfuge de classe. · Léa André-Sarreau
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LE ROI DAVID de Lila Pinell
Récompensé au festival du court métrage de Clermont-Ferrand l’année dernière, ce court avait déjà obtenu le Prix Louis-Delluc du court métrage en octobre 2021. La réalisatrice Lila Pinell y suit les pas de Shana, fausse princesse interprétée par Eva Huault, qui s’affirme, dans ce premier rôle, comme une vraie actrice. Endormie dans l’escalier d’un bel immeuble parisien à la fin d’une nuit de fête, Shana s’enveloppe dans une doudoune dorée qu’elle a volée à une soirée. On ne sait pas si cet attribut ressemble plus à une couverture de survie ou à la cape d’une reine. C’est ainsi que Shana se montre et se raconte : en comtesse aux pieds nus. Lila Pinell colle à son personnage qu’elle filme sur pellicule 16 millimètre, et en format carré, ce qui empêche toute improvisation. Pourtant, Le Roi David, très naturaliste dans son approche, s’inspire directement des anecdotes tirées de la vie de son actrice Eva Huault et de ses fréquentations.
Constitué d’une une succession de rencontres brèves qui révèlent toutes une facette du personnage, Le Roi David saisit sur quelques jours le quotidien de galère d’une jeune fille qui fantasme un nouveau départ pour sa vie. Et si possible en commençant par un nouveau nez, comme elle le quémande à un chirurgien esthétique circonspect. Comme dans ce tableau de Bethsabée au bain qu’elle évoque en voix off, Shana se fait faire les ongles par une amie, s’apprête, se met en scène. Par la fabulation, elle invente à sa vie un destin aussi grand que le titre du film. · Raphaëlle Pireyre
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SOLARIUM de Jonathan Koulavsky
Ce court métrage d’initiation met en scène Johny, futur driver passionné par l’univers hippique, qui se retrouve confronté à la rudesse du milieu et voit ses rêves de grandeur remis en question. Avec des attentes démesurées dans un univers où la tendresse semble inexistante, Johny va devoir apprendre à canaliser sa rage afin de contrôler la relation conflictuelle avec sa monture : il va devoir l’apprivoiser et s’apprivoiser lui-même.
Afin de traiter ce sujet atypique, Jonathan Koulavsky utilise les codes de l’horreur grâce à une luminosité agressive, des ralentis et un jeu sur l’angoisse. L’imaginaire morbide de la mort de l’animal est mis en évidence dans des scènes où le personnage rêve que les chevaux sont abattus. Des séquences oniriques qui frôlent le cauchemardesque, et maintiennent sous tension le spectateur. Au contraire, d’autres scènes, très crues, qui flirtent avec l’hyper réalisme du documentaire, montrent le protagoniste interviewé par une journaliste.
Les séquences en intérieur semblent nous proposer un accès à l’intériorité psychique du personnage tandis que celles en extérieurs explorent l’étendue de cet univers où l’évolution professionnelle semble inatteignable. Les courses des chevaux sur la plage, filmées en longs panoramiques, accentuent la tentative de contrôle sur cet avenir incertain. Une mise en scène à double vitesse qui exprime un parallèle entre la dureté de l’équitation et le rêve d’enfant du personnage. · M-M. P.
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Image de couverture : Les Démons de Dorothy d’Alexis Langlois