Le polar, c’est un peu comme la comédie romantique : un genre tellement poncé qu’on s’émerveille de chaque aspérité, de chaque éclat. C’est le cas de l’original et sobre Ashkal, situé dans les Jardins de Carthage, quartier nord de Tunis dans lequel s’élèvent des bâtiments dont la construction avait été lancée sous l’ancien régime puis stoppée par la « révolution de jasmin », en 2011.
Alors qu’elle reprend, on découvre sur un chantier un corps calciné… puis d’autres. Deux policiers, Batal et Fatma, mènent l’enquête. Lui a une famille à nourrir et à protéger ; elle subit la mauvaise réputation qui touche la sienne à cause de son père. Mais ce qui obsède le duo, ce sont ces immolations qui touchent des personnes aux profils différents. Quand la piste du tueur en série se confirme, un témoignage fait prendre un virage inattendu au récit : un jeune homme affirme qu’il a vu un homme non pas « mettre » mais « donner » le feu à une femme. Face à quoi se trouvent nos héros ?
Ménageant ses effets, prenant habilement parti de la densité de son atmosphère et des situations qu’il campe patiemment, Ashkal redouble son fond d’un sous-texte politique en sondant le désarroi d’une société prise entre déconstruction et reconstruction. De la belle ouvrage.
Ashkal. L’enquête de Tunis de Youssef Chebbi,(1 h 32), sortie le 25 janvier
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