En application de la loi du talion prévue par la charia (loi islamique) en vigueur en Iran, Maryam, déclarée coupable du meurtre de son vieux mari, va être exécutée – sauf si la fille du défunt lui accorde son pardon. Dans l’asphyxie d’un plateau de télévision transformé pour l’occasion en tribunal, Massoud Bakhshi rassemble un condensé de la société iranienne contemporaine dans lequel les mères conservatrices côtoient les femmes indépendantes et la tradition flirte avec les talk-shows racoleurs à l’américaine. Imaginant le résultat de cette mutation culturelle dans un film de procès parasité par les perversions de la télé-réalité – ou est-ce l’inverse ? –, le cinéaste ordonne un ballet qui se joue aussi en coulisses.
Fous d’Iran : le renouveau du cinéma iranien
De ce point de vue privilégié, il capte le désespoir des familles en même temps que l’avidité des producteurs, avant tout soucieux de l’audience, qui tirent les ficelles d’un récit dans le récit porté par deux femmes fortes, interprétées avec un rare aplomb par Sadaf Asgari et Behnaz Jafari – qui brillait dans Trois visages (Jafar Panahi, 2018) –, sans cesse renvoyées à leur supposée infériorité et livrées au voyeurisme morbide des téléspectateurs. Plutôt que de vouloir donner raison à l’une ou l’autre des protagonistes, le cinéaste s’intéresse, par l’entremise du fait divers, à l’asservissement des pauvres, au pouvoir de l’argent et à l’injonction au mariage qui l’accompagne, pour les jeunes filles modestes.
Surtout, son écriture ciselée interroge la légitimité du ressentiment et des émotions s’agissant du jugement d’un crime – d’autant plus lorsqu’il est médiatisé –, nous plaçant ingénieusement de l’autre côté de l’écran (de télévision), soumis à une tension doublement fabriquée par le film et par les artifices de l’émission. Pour autant, la lumière inattendue qui en émerge vient précisément de ce pouvoir d’absolution accordé au pardon – un pouvoir totalement ignoré de l’Occident –, allant jusqu’à retirer, en apaisant le désir de vengeance, un peu de l’irréversibilité d’une décision de justice. C’est qu’en redonnant de sa magie salvatrice à un mot qui l’avait perdue chez nous, Yalda. La nuit du pardon nous renvoie finalement à notre propre intégrité.