Présenté à la Semaine de la critique l’année dernière, Alma viva – également en compétition à la Semaine de Critique – confirme l’agilité avec laquelle sa réalisatrice s’empare des dynamiques familiales et manipule les genres pour dire le deuil.
Salomé, une fillette d’une dizaine d’années, passe ses vacances d’été dans le village portugais où vit sa famille maternelle, dont une grand-mère adepte de rites magiques et autres conversations avec les défunts. Quand celle-ci s’éteint mystérieusement, Salomé (extraordinaire Lua Michel, fille de la réalisatrice) pense à un ensorcèlement orchestré par une voisine acariâtre et se met à développer des comportements étranges, comme habitée par l’esprit de son aïeule… « Tôt ou tard, toutes les femmes indépendantes se font traiter de sorcières », assène son oncle malvoyant – figure de tragédie grecque s’il en est – alors que se déchaînent les passions au sein de la famille, désormais réunie par ce décès soudain mais surtout déchirée par les questions d’héritage. Une phrase comme un oracle pour la fillette qui voyage entre différents états – dont le film s’empare en jouant habilement avec les genres –, et subit un sexisme larvé, charrié par les traditions en place.
.À ce constat, Cristèle Alves Meira oppose une réflexion sur la protection et la transmission au sein d’un gynécée moderne, où jalousies et vanités se dressent parfois comme d’infranchissables murs. Véritable héritière du matrimoine familial, Salomé – gardienne d’un « corps ouvert » – fait sillonner ses proches vers une guérison, avec l’idée d’une lignée féminine à la puissance implacable. Et rappelle en cela Tchau Tchau, court métrage de la cinéaste découvert au FIFIB en 2021, qui interrogeait déjà ce lien si particulier qui rattache un enfant à ses grands-parents, ce saut générationnel où s’inscrit parfois une évidence. Se raconte aussi dans Alma viva le temps du deuil, celui que l’on modèle dans le royaume solitaire de l’enfance, comme celui qui peine à se faire entendre entre les membres d’une même famille.
La douleur de perdre une « âme vivante » mais aussi d’être confronté à ses regrets, sacrifices et manquements. Quelle(s) absence(s) – à soi, aux autres – la mort d’un proche révèle-t-elle ? Dans le grotesque des règlements de compte se disent la distance prise avec la terre natale, le grand galop de la vie en France et un sentiment d’abandon rentré. En documentant une région et une culture, Cristèle Alves Meira se façonne un cinéma au cœur grand ouvert.