LA NOUVELLE · Laura Thomassaint : « J’ai la mort en héritage »

Avec son magnétisant premier moyen métrage « S’il-vous-plaît arrêtez tous de disparaître » (vu au festival de Brive 2022 puis au festival de Clermont-Ferrand en janvier), l’artiste entame une recherche vertigineuse autour du deuil. Comme un cri, un appel qui laisse intranquille.


1815fac7 91f0 4301 8467 5e087c14a9de laurathomassaint1

« J’ai la mort en héritage », nous dit-elle cash. La première fois qu’on l’a croisée, elle portait pourtant la version lesbienne du tee-shirt d’Act Up « Danser = Vivre ». Née en 1993, Laura Thomassaint s’est construite sur un manque de récits sur sa famille. «Ma mère est andalouse, mes grands-parents, analpha­bètes, travaillaient dans les champs. Avec leur éducation catholique et paysanne, le rapport à la parole est compliqué. » De là, l’artiste tient son don de repérer quiconque a des fantômes. De là encore vient S’il-vous-plaît arrêtez tous de disparaître, dont le titre invocatoire appelle les défunts autant qu’elle-même, qui aime parfois s’éclipser sans prévenir.

Vu au festival de Clermont-Ferrand : « S’il-vous-plaît arrêtez tous de disparaître »

Elle y raconte le lien trouble entre Ferdinand, qui a perdu son petit frère, et Elliott, un ado rencontré sur un tchat qui lui propose d’incarner le disparu. «Ado, dans ma cité du Val-d’Oise, dès que tout le monde dormait, je tchattais. Mon transfuge de classe est d’abord lié à l’ordinateur. » Elle commence par des mises en scène au théâtre, milieu qu’elle trouve trop bourgeois. Aujourd’hui physio du club LGBTQ parisien L’Œil, elle organise l’une de ses soirées ravageuses, baptisée Vengeance lesbien·ne, comme un cri de ralliement.

Son prochain long, Faire ça la nuit sur le parking de l’usine, a ce désir de transformer les terrains de jeu intimes et politiques, imaginant une histoire de deuil et de cruising lesbien dans une usine autogérée par des femmes. « Quand j’avais 15 ans, je faisais des tours de bagnole en banlieue. Je ne comprenais pas pourquoi il y avait le parking des pédés et pas le parking des gouines. Je n’ai jamais entendu parler de Monique qui va se faire sucer avant de rentrer du boulot et de faire à manger. Je sens que ça m’anime. »

Image (c) Julien Liénard