On a d’abord découvert la percussionniste virtuose sur scène, accompagnant Moodoïd, Aquaserge, Susheela Raman ou Yuksek ; avant de la retrouver jonglant entre batterie, vibraphone, marimba, glockenspiel, cloche tubulaire et ondes Martenot sur Sergeï (2019), un premier album solo libérateur qui fusionnait joyeusement percussions classiques et ambiances électroniques. Revoilà Lucie Antunes (nous) sonnant les cloches d’un Carnaval annonçant la renaissance de la nature et des corps, comme un souffle trop longtemps retenu (par la pandémie, notamment). Coréalisé avec sa sœur de cœur Léonie Pernet, cet ensemble de batteries, de percussions, de basses et de beats électroniques, de nappes synthétiques et de mantras vocaux (façon Meredith Monk ou Laurie Anderson) délivre ses effets bienfaisants en compositions concises mais savantes (Steve Reich rôde) à visées ostensiblement transcendantes.
L’affirmation de la vie s’élance vers les grandes hauteurs tonales (« Vivant·e·s Part. I »), dans des tintinnabuli affectueux (« Faites vous des bisous ») ou des développements hyperboliques (« Mais » – signifiant « plus » en portugais), pour des polyrythmies inclusives (« Vous êtes parfait·e·s ») où la décoction hallucinogène (« Yagé ») est le souffle retrouvé, dans la danse ou l’enfantement, pour enfin sortir de soi, par la voix et la transe. Le mot « carnaval » lui-même devient motif rythmique, rauque et roulant comme un mantra chamanique, performatif, réveillant les anciens sur les rythmes d’aujourd’hui. Entre boîte à musique de nuit et transe sous un soleil ardent, un vrai rituel pour les jours à venir.
> Carnaval de Lucie Antunes (Cry Baby / InFiné)
Portrait (c) Marine Keller