QUEER GUEST est une série d’articles issue de le cinéma LGBTQ+ raconté par la journaliste Timé Zoppé.
« Je suis très complexé de ne pas avoir de culture cinématographique mais, enfant, j’étais fanatique des stars de cinéma, surtout de of course, mais aussi d’Ava Gardner, Claudia Cardinale ou … Quand j’avais 12-13 ans, il y avait une collection qui avait sorti des fiches de femmes iconiques du cinéma, et mon mur en était tapissé. Elles me fascinaient, m’électrisaient dans le rapport qu’elles avaient à la représentation de soi.
Chez Marylin Monroe, j’étais intrigué par l’écart énorme entre l’effet qu’elle produit sur les autres et le ressenti qu’elle semblait avoir de sa vie. J’étais aussi attiré par les atours de la star, les attributs de sa féminité. Ces actrices n’étaient pas des figures d’identification de manière directe. Mais il y avait quelque chose que je reconnaissais dans les paradoxes qu’elles incarnaient, cette espèce de vie impossible entre représentation, naturel, célébrité, souffrance. Plutôt que de m’identifier à elles, je me suis imprégné de ces images-là, elles sont restées dans ma rétine.
J’ai beaucoup pratiqué le travestissement de manière intime. Par ailleurs, dans mon travail artistique, je danse beaucoup sur pointes, je porte de longs ongles, des marqueurs historiquement associés à la féminité. Mais je tente justement de les désidentifier, de les accueillir pour leur beauté matérielle, ce qu’ils permettent en termes de motricité. J’essaye de faire en sorte que les règles de la société n’aient pas de prise sur mon corps.
Souvent, la culture populaire se saisit des attributs de la culture bourgeoise pour se saisir de leur puissance. Comment faire en sorte que la puissance des vedettes de cinéma ne leur soit pas réservée ? Il faut pouvoir comprendre d’où elle vient. Est-ce un diadème ? Une manière de clore à moitié les paupières ? Le boa en plumes ? La robe cintrée ? La lumière ? Comment montrer la vie de manière que cette puissance des stars me frôle aussi ?
Avec Sasha J. Blondeau et Hélène Gianecchini, pour notre spectacle Cortèges, on s’est beaucoup raconté que la Philharmonie de Paris est aussi un de ces lieux de puissance, d’incarnation du pouvoir bourgeois. Une centaine de musiciens, un type d’expérience auditive très rare… De notre perspective queer, on essaye de voir comment on peut se brancher à cette puissance, comprendre comment on peut la dérouter avec nos questions, nos expressions propres, pour qu’elle fasse sens avec nos vies. »
Cortèges de François Chaignaud, Sasha J. Blondeau et Hélène Gianecchini
8 et 9 juin à 20h à la Philharmonie de Paris
Boléro de Nans Laborde-Jourdàa
10 juin à 15h à la Cinémathèque française