Jean-Luc Godard a choisi de partir en 2022 [il a eu recours au suicide assisté, ndlr], et plutôt que de nous léguer un film bien bouclé, bien fignolé, il nous a laissé sur une ébauche, un film en chantier. Un geste cohérent avec l’œuvre immense qui a précédé : c’est comme si le cinéaste plaidait l’inachèvement pour nous mettre en situation de recherche, activer notre imaginaire pour que l’on puisse inventer tous les possibles que portent et porteront ce dernier court métrage.
Le réalisateur Jean-Luc Godard est mort à 91 ans
Son titre oxymorique, un brin provocateur et espiègle dans le temps qui est le nôtre, distille déjà un sentiment d’absurdité. Sa forme, qui ressemble à un cahier d’écolier ou à un moodboard que Godard aurait biffé, déchiré, ou peinturluré, a ceci d’abstrait et foisonnant que chaque spectateur peut faire son propre montage dépenaillé, libre et rêveur. Avec ce collage kaléidoscopique entre Georges Bataille, Simone Weil, la Palestine, la langue russe, ou encore le film Notre musique de JLG, à nous de choisir et d’ouvrir les portes.
Puis, grande émotion, la voix chevrotante de Godard lui-même se fait entendre. Il retrace alors l’origine de ce projet, l’invitation que lui a faite la maison qui produit le film, et sa découverte d’un livre oublié, Faux Passeports de Charles Plisnier, prix Goncourt 1937. Godard dit qu’il aimerait partir de l’un de ses personnages, celui d’une activiste trotskiste, exclue du parti communiste. On pressent que le cinéaste voyait peut-être en elle le moyen de s’adresser à la jeunesse militante d’aujourd’hui. Mais ce n’est qu’une des multiples pistes proposées par ce film, dont la beauté réside en ce qu’on ne finira jamais de le fantasmer.
Image (c) SAINT LAURENT