Le cinéma de Mia Hansen-Løve n’est jamais aussi fort que lorsqu’il saisit la relation de ses protagonistes au temps qui passe. Comme les héros de Eden ou de L’Avenir, Sandra (Léa Seydoux, dont la densité de jeu est toujours aussi étonnante) a comme l’impression de stagner, que le meilleur est derrière elle. Les films de Mia Hansen-Løve ont souvent cette mélancolie, peut-être même cette nostalgie, mais aussi cet élan vitaliste, qui consiste à observer de tels personnages au parcours heurté se relancer malgré tout.
Traductrice et mère célibataire d’une petite fille, Sandra se consacre surtout à son métier, et a quasi abandonné l’idée d’avoir un jour une nouvelle relation. Un beau matin donc, elle rencontre Clément (Melvil Poupaud), un vieil ami astrochimiste perdu de vue. Ils commencent à se refréquenter, à entamer une histoire, bien que lui soit engagé avec une autre femme. En même temps, Sandra s’occupe de trouver un EHPAD qui soit digne pour son père Georg (Pascal Greggory, déchirant dans sa perte des mots), prof de philo touché précocement par une maladie dégénérative…
« Bergman Island » de Mia Hansen-Løve : les métamorphoses
C’est donc l’heure d’un bilan pour Sandra – ce que suggère la vente de la bibliothèque de Georg, un motif déjà présent dans L’Avenir. Elle doit déjà un peu faire le deuil de son père mais pas tout à fait, pareil avec sa relation avec Clément qui ne veut pas quitter sa femme. Subtilement, Mia Hansen-Løve observe cet état d’entre-deux sans jamais être plombante, car chez elle il verse plutôt vers l’espérance. Le métier de Sandra a d’ailleurs un rôle prépondérant dans cet allant : en tant que traductrice, elle va au-devant du brouillage des mots de son père et de son amant, c’est comme si elle réorganisait ceux-ci, pour finir par trouver son harmonie à elle.
Un beau matin de Mia Hansen-Løve, Les Films du Losange (1 h 52), sortie le 5 octobre
Image © Les Films du Losange