QUEER GUEST est une nouvelle série d’articles issue de le cinéma LGBTQ+ raconté par la journaliste Timé Zoppé.
Née à San Francisco en 1945, elle a réalisé un classique du cinéma lesbien, Desert Hearts, en 1985, considéré comme le premier film « grand public » représentant l’homosexualité féminine de manière positive, avant de faire carrière à la télévision (Urgences, Bones, Grey’s Anatomy…).
« Le premier film avec un sujet lesbien que j’ai vu, c’était Jeunes filles en uniforme [de Géza von Radványi, sorti en 1958, avec Romy Schneider, ndlr]. Ça devait être dans ma vingtaine ou au début de la trentaine – je ne retiens jamais les chiffres… J’adore ce film, c’est toujours un de mes préférés aujourd’hui [il raconte l’histoire d’une jeune fille placée en pensionnat qui tombe folle amoureuse de sa prof de littérature, ndlr]. J’étais déjà lesbienne à l’époque, ça ne m’a pas permis de m’en rendre compte, mais ça a beaucoup résonné en moi.
Si vous êtes une femme queer, même sans particulièrement aimer le cinéma, vous allez probablement regarder Jeunes filles en uniforme juste pour son sujet. Et ça sera la même chose avec absolument chaque film au contenu lesbien qui existe. On veut tous les voir et les étudier, pas vrai ? Plus je voyais ce genre de films, plus j’étais déterminée, quand j’arriverais à réaliser mon propre film, à ne pas raconter l’histoire d’une femme prise dans un triangle amoureux bisexuel, ni celle d’une femme lesbienne qui finit par se suicider. A l’époque, les représentations étaient atroces. Ça m’énervait tellement… C’est ça qui m’a donné envie de faire une représentation positive avec Desert Hearts.
Je travaille actuellement à une suite, mais pas au sens classique. Ce n’est pas la relation amoureuse qui m’intéresse. Ça suivrait la plus jeune des deux [Cay, jouée par Patricia Charbonneau dans le film original, ndlr] pendant le Mouvement de libération des femmes, à New York, au début des années 1970. A l’époque, Betty Friedan [présidente de la NOW, la National Organization for Women, ndlr], qui était hétéro, avait inventé l’expression « lavender menace » [la « menace mauve », ndlr] pour désigner les activistes lesbiennes [Betty Friedan et d’autres féministes de l’époque craignaient qu’une trop grande visibilité des lesbiennes dans le mouvement discrédite celui-ci, et notamment les revendications des femmes hétérosexuelles, ndlr].
Je voudrais faire ce film parce que les lesbiennes n’ont jamais eu de reconnaissance par rapport au mouvement des femmes, alors même que la majorité des combats, comme le droit à l’avortement, ne les concernait pas directement. J’ai pas mal d’amies qui faisaient partie de ce mouvement, j’ai plein d’histoires géniales à raconter. »