Dans Saint Omer, elle incarne Rama, romancière enceinte saisie d’une obsession pour un infanticide. « Pour la première fois, je rencontrais un personnage qui me parlait intimement et me dépassait en même temps », nous confie-t-elle d’un sourire impérial, lovée dans le coquet studio parisien où elle loge. Depuis ses études théâtrales à la prestigieuse ENSATT de Lyon, Kayije Kagame cultive sa pluridisciplinarité. Liberté qu’elle attribue au metteur en scène américain Robert Wilson, avec qui elle a étudié à New York avant qu’il ne la dirige en 2014 dans une adaptation des Nègres de Jean Genet à l’Odéon. « Il m’a appris à ouvrir le champ des possibles, sans m’assigner à la fonction d’actrice », affirme l’artiste, qui est aussi dramaturge.
Elle présentera en mars prochain au Théâtre de Gennevilliers le diptyque Intérieur vie/Intérieur nuit, composé d’une pièce de théâtre, qu’elle a conçue et dans laquelle elle joue, et d’un court métrage, qu’elle a coréalisé. Elle qui a collaboré avec de grands artistes contemporains (Jérôme Bel, Jon Fosse…) évoque son admiration pour Tilda Swinton et sa capacité à établir « un dialogue à égalité » avec les cinéastes. Une approche qui éblouit dans Saint Omer : « On a tissé ce rôle ensemble, avec Alice, qui a créé un dispositif où chacun était traversé par la fiction sans discontinuer. » Une chose est sûre : Kayije Kagame, elle, est traversée par une intense inspiration.
Saint Omer d’Alice Diop, Les Films du Losange (2 h 02), sortie le 23 novembre.