La première fois qu’il a vu cet endroit – un quartier HLM composé d’une dizaine d’immeubles insalubres, en périphérie de Calais –, c’était comme une (ré)apparition. Ça lui a tout de suite rappelé des espaces abandonnés similaires où ont vécu ses aînés, près de Rouen, et qui sont désormais rasés. Né au Mans, passé par des petites villes de l’Ouest, avant une installation à Tours, Clément Pérot a vite ressenti le besoin de fuir. Il s’est inscrit en fac de lettres et cinéma à Paris, puis en école de cinéma à Toulouse. Mais il s’y est senti à l’étroit, pas vraiment compris dans son désir de décloisonner les frontières entre les genres, le documentaire et la fiction. Retour à Paris, avec une double inscription à l’École nationale des arts décoratifs et aux Beaux-Arts, dont il est sorti diplômé l’année dernière.
Son premier choc esthétique au cinéma ? Hiroshima mon amour d’Alain Resnais. Ses maîtres en photo ? L’Américain Walker Evans, ponte de la photo vernaculaire, et la Française Valérie Jouve, influence essentielle pour Dans la tête un orage. Un film estival aussi dépouillé que beau, sur une jeunesse qui s’ennuie, s’insulte, pêche, roule à vélo, se pose dans des champs de blé pour discuter de tout et de rien. Les images sont fixes, les sons aménagés de façon particulière – on est loin des films sociaux misérabilistes. Clément Pérot pose sur eux un regard doux, sans les remodeler selon son (ou nos) fantasme(s). Son allure très discrète – il porte une chemisette bleu clair et rayée, un jean – contraste avec une présence très forte, un regard passionné et habité. Il planche en ce moment sur l’écriture d’un long métrage de fiction, qui suivra des dockers du port du Havre – avec encore, on le devine, ce désir de redorer le vestige ouvrier. Beau paradoxe pour un cinéaste en pleine éclosion.
Dans la tête un orage de Clément Pérot, (24 min), dans le cadre de la reprise des films de la Quinzaine des cinéastes, le 18 juin au Forum des images
Photographie : Julien Liénard pour TROISCOULEURS