Les premiers sont au chômage et s’entassent dans un entresol bordélique, au cœur des ruelles sinueuses de Séoul où des âmes errantes et avinées viennent uriner sans scrupules. Les seconds vivent dans une luxueuse villa d’architecte surplombant la capitale, avec gouvernante, professeur particulier et chauffeur privé. Voici d’un côté les Ki-taek, soudés mais sans-le-sou, de l’autre les richissimes Park, crédules mais arrogants. Tout les oppose et pourtant, après l’embauche du fils Ki-taek comme professeur d’anglais de la jeune fille Park, les deux familles se retrouvent liées par une série d’événements aux conséquences dramatiques…
Avec Parasite, Bong Joon-ho revient sur sa terre d’origine pour y disséquer les tensions sociales devenues insoutenables et les faire remonter à la surface. Exit les sous-textes politiques de Memories of Murder (2004) ou de The Host (2006), son Parasite met (littéralement) les pieds dans le plat, à grand renfort de tranchantes répliques. Selon son goût manifeste pour la satire, Bong continue de travailler ce qui a toujours fait la captivante bestialité de son cinéma: nervosité du montage, débordements burlesques, gloutonnerie insatiable et contorsions des corps.
Quand ils ne sont pas le théâtre d’un jeu de massacre à ciel ouvert, les festins sont ainsi l’occasion d’éclaircir ou d’exacerber des situations pour le moins chaotiques, alors que l’insistance sur les odeurs et les étranges postures des personnages révèlent la cruauté de la hiérarchie entre les classes. Carcasses parfumées tantôt figées ou accroupies, immaculées ou maltraitées, rigides ou bien désarticulées : à ce jeu de pantomime où l’enveloppe charnelle révèle les troubles d’une société cinglée et boulimique, le comédien Song Kang-ho excelle. Déjà présent dans Memories of Murder, The Host ou Snowpiercer, l’acteur incarne ici, sous les traits d’un père de famille dépassé, le bouleversant pivot permettant de passer du burlesque à la tragédie, de la douceur à la sauvagerie.
Pour voir le film, cliquez ici.