Dernier volet d’une trilogie tricolore qui explore la devise de la France « Liberté, Egalité, Fraternité », Trois Couleurs: Rouge (1994) examine la notion de fraternité à travers l’histoire d’un juge à la retraite aigri (Jean-Louis Trintignant), qui écoute les conversations téléphoniques de ses voisins. Le jour où Valentine (Irène Jacob), une jeune mannequin idéaliste, lui ramène le chien qu’il avait égaré, une étrange relation se noue entre les deux, faite de méfiance et d’amitié. Pleine de vie, Valentine est persuadée de pouvoir tirer le meilleur de cet être solitaire qui n’a plus rien à perdre.
« L’éternelle question consiste à savoir si en donnant aux autres un peu de soi-même, nous ne le faisons pas pour avoir une meilleure idée de nous-mêmes » : de cette confrontation, Kieślowski, qui a disparu en 1995, tire un conte puissant qui questionne nos valeurs morales. Peut-on tout donner de soi aux autres, sans contre-partie ni arrière-pensée ? Le lien ténu à l’autre n’est-il pas la seule façon d’échapper au cynisme ? Il faut revoir le film pour son habile maelström de couleurs – chaque plan contient une teinte de rouge, semée au hasard d’une voiture, d’une affiche ou d’un emballage – et de reflets, qui fait se rencontrer les solitudes des deux personnages, comme une possibilité de réconciliation.
Chef d’orchestre implacable et pointilliste, Kieślowski enferme ses personnages dans l’étau d’une architecture complexe, presque inhumaine, et sacrifie la linéarité de son premier récit au profit d’une mosaïques d’intrigues, pour signifier l’engrenage infernal du destin. Bonus: notre supercut consacré aux reflets dans la trilogie de Kieślowski.