Pedro Winter : « J’inviterais bien Wes Anderson à partir en tournée avec un groupe comme Justice ou Phoenix »

Ancien manager des Daft Punk, producteur du groupe d’électro français Justice et de Mr. Oizo (pseudonyme de Quentin Dupieux pour ses œuvres musicales), Pedro Winter est derrière tous les plus gros succès de la musique électro française de ces vingt dernières années avec son label Ed Bangers Records. Alors que deux de ses artistes font l’actualité cinéma de cette semaine (“Tropic” d’Edouard Salier dont la BO a été composée par l’artiste SebAstian, et “Yannick” le nouvel ovni de Quentin Dupieux est en salles), le compositeur-producteur a répondu à notre questionnaire cinéphile.


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Décrivez-vous en 3 personnages de fiction. 

Jay, du duo Jay & Silent Bob dans les films de [Clerks : Les Employés modèles (1994), Les Glandeurs (1995) ou encore Jay et Bob contre-attaquent (2001), ndlr]. Le dealer glandeur par excellence ! C’est surtout une ressemblance physique. Nous les grands blonds on se rêve tous surfeur à Malibu, mais en fait avec notre lifestyle on ressemble plus à Kurt Cobain qui revient d’une rave. Ricky du sitcom américain Ricky ou la belle vie (1982-1987). Quand j’avais 10 ans je me prenais vraiment pour Ricky : le gamin avait carrément un vrai petit train dans son salon. Et . Pour le coup aucune ressemblance physique, mais on a le même niveau en skateboard !

Un film que vous avez regardé plus de 3 fois ? 

Clerks : Les Employés modèles de Kevin Smith (1994). L’année 1994 était tellement riche musicalement : j’écoutais le MTV unplugged de Nirvana,  le 1er album de Notorious BIG, Massive Attack et Portishead. Cette année-là, Clerks débarque dans mon petit cerveau de 19 ans, la sub-culture américaine par excellence. Un film en noir et blanc qui me fait basculer dans l’adolescence multicolore. Entre une scolarité peu glorieuse, une passion pour le skateboard et la découverte de la musique électronique, ce film m’inspire une envie d’indépendance et de la culture do it yourself.  

Vos 3 clips préférés ? 

Sabotage de Beastie Boys réalisé par (1994), Windowlicker de Aphex Twin réalisé par Chris Cunningham (1999) et Virtual Insanity de Jamiroquai réalisé par (1996). C’est dur pour moi de choisir parmi tous ces génies. Je ne peux pas oublier Mark Romanek, Hype Williams, Michel Gondry, Alex & Martin, Paul Hunter, Seb Janiak. Ce sont les derniers mohicans ! Ceux pour qui MTV était une référence, ceux pour qui le clip était bien plus qu’un simple outil promotionnel pour diffuser de la musique à la télé.  

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3 BO électro qui mériteraient d’être plus connues ? 

Jeff Wayne’s Musical version of The War of the Worlds (1978), [l’un des deux membres du duo de musique électronique français Justice, signé chez Ed Bangers, ndlr] aurait pu composé ce disque culte ! La BO d’Irréversible de Gaspar Noé (2002), composée par Thomas Bangalter [un des deux membres des Daft Punk, ndlr]. Deux artistes diamétralement opposés mais avec un fantasme de faire renaître la magie entre un réalisateur et un compositeur à l’image de et Wendy Carlos [compositrice des bandes originales d’ (1971) et (1981), ndlr]. Celle de Tropic réalisé par Edouard Salier (2023), composée par SebastiAn. Un peu d’auto-promo ne fait jamais de mal : ça sort fin août sur Ed Banger records !

Un film qui a suscité 3 heures de débats avec tes amis ? 

Tous les films de mon ami Quentin Dupieux. J’ai détesté son premier film Nonfilm (2001). Avec le recul je pense que je n’avais pas mis les lunettes à triple foyer pour apprécier le délire. Aujourd’hui je suis fan de sa liberté, de son ton, j’aime sa folie, il est unique et précieux. Je l’ai toujours appelé le « Dali de l’électro » quand il compose sous le nom de Mr Oizo. C’est marrant de savoir qu’il va réaliser un film sur le peintre de Figueras ! 

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3 cinéastes avec qui vous auriez envie de collaborer ?  

François Truffaut pour voir comment [personnage de fiction interprété par dans cinq films du cinéaste de la nouvelle vague dont Les Quatre Cents Coups (1959), ndlr] affronterait l’an 2000! J’inviterais bien à partir en tournée avec un groupe comme Justice ou Phoenix. Je suis sûr qu’il trouverait une façon originale de mettre en avant chaque membre du groupe et du crew : le technicien minutieux, qui range ses câbles par couleur, le gros roadie tout tatoué qui appelle sa meuf tous les soirs comme un canard, etc… Et enfin les frères Farrelly à qui je confierais le film de mon mariage.

3 bandes originales à écouter en boucle ?  

Celle de La Nuit du Jugement de Stephen Hopkins (1993). C’est tout simplement le disque ultime pour tous les fans de Hip Hop et de Hard Rock. Réunir Cypress Hill, Slayer, De La Soul, Pearl Jam et Sonic Youth sur un même disque ne pouvait que traumatiser l’ado grunge que j’étais ! Celle de Midnight Express d’Alan Parker (1978), composée par Giorgio Moroder (1978). Le film était interdit aux moins de 18 ans, j’ai donc d’abord découvert la B.O avant de pouvoir enfin regarder le film. Assez dingue de se dire que le titre Chase allait devenir le thème principal de ma vie. Tous les ingrédients étaient là, boite à rythme et synthétiseur hypnotique : le génie Moroder dans toute sa splendeur !  Et puis celle de Wild Style de Charlie Ahearn (1983) : c’est plus qu’une simple B.O, ça permet vraiment de connaître les fondations de la culture hip-hop.

3 films qui donnent envie de clubber ?  

24 Hour Party People de Michael Winterbottom (2002), pour fantasmer sur une nuit à l’Hacienda. Footloose de Herbert Ross (1984), fight for your right to party ! de Blake Edwards (1969), je rêve de passer une soirée avec Bakshi !

Vos 3 scènes musicales préférées au cinéma ?   

Dans Le Flic de Beverly Hills de Martin Brest (1984), le morceau Axel F composé par Harold Faltermeyer. Eddie Murphy qui fout des bananes dans le pot d’échappement des flics c’est un classique ! Il en faut peu pour être heureux dans Le Livre de la Jungle (1967). Et puis pour crâner un peu, dans de (2018), le morceau Genesis de Justice. C’était fou de découvrir cette scène de la Palme d’Or à Cannes avec Justice dans les oreilles. 

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Vos 3 films préférés de Quentin Dupieux ?  

(2022), pour . Rubber (2010), pour mon caméo inoubliable évidemment. (prévue pour 2024), pour Jonathan Cohen et Edouard Baer qui remporteront ensemble le César du meilleur acteur en 2024. On parie ? 

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