Lorsqu’en décembre dernier Marvel a dévoilé les premières images d’Ant-Man et la Guêpe : Quantumania, une blague s’est mise à circuler sur les réseaux sociaux. Pour se moquer du caractère excessivement générique des innombrables créatures de la bande-annonce, les internautes prétendaient que ce pâle bestiaire avait été conçu par une I.A. (ce n’était pas le cas). En quelques mois, cette boutade est devenue réalité avec Secret Invasion, série Disney+ sortie cette semaine dans laquelle Samuel L. Jackson reprend le rôle de Nick Fury.
Pour le traditionnel générique des productions Marvel, la compagnie d’effets spéciaux Method Studio a exploité des générateurs d’images de type Midjourney. « Les créations des I.A. (…) semblaient sortir tout droit du monde des Skrull [la race d’extra-terrestres polymorphes au cœur de la série, ndlr]. Qui a fait ces images ? Qui sont ces créateurs ? » se justifie le réalisateur de la série, Ali Selim, dans un entretien accordé à Polygon. Dès la publication de cette interview, la communauté des designers et des artistes des effets spéciaux a dénoncé cette méthode qui vient de créer un précédent à Hollywood. Et même si Method Studio, qui refuse toute interview sur le sujet, s’est fendu d’un communiqué dans The Hollywood Reporter pour expliquer que l’I.A. n’a été qu’un outil sans répercussion sur ses effectifs (argument très contestable), leur démarche est pour le moins inopportune.
Ce petit scandale repose, en réalité, sur le comportement global de Marvel vis-à-vis de ses équipes. Ces derniers mois, plusieurs acteurs de l’industrie se sont en effet manifestés anonymement pour dénoncer la politique de Marvel, qui sous-paie les artistes des effets spéciaux, refuse de leur accorder un crédit décent au générique et leur impose des délais affolants. Une figure majeure du métier, Mark Patch, a même expliqué à Vulture que le studio avait mis en place une liste noire officieuse, répertoriant les artistes qui osent revendiquer des conditions de travail décentes. Une utilisation aussi visible de l’I.A. dans ce contexte met à jour une dérive inquiétante du studio : l’I.A. est moins le souci que la finalité de son usage.
En attendant de voir quelle sera l’évolution au long terme de l’appropriation par Marvel de ces outils, on rappellera que, dans le dernier épisode de la série She-Hulk, la super héroïne éponyme parvenait à s’extirper de sa fiction pour infiltrer le monde réel et confronter ses créateurs. Elle s’apercevait alors que le dirigeant de Marvel était en réalité… une intelligence artificielle ! On vous laisse le soin de décrypter le message caché derrière cette troublante révélation.
I.A. PLAYLIST
. Vous pouvez désormais poser (en anglais) vos questions à une version I.A. de Jésus sur Twitch. Ainsi, à la demande d’un internaute, le prophète a raconté, avec un sérieux forcément papal, l’histoire de la Tour de Babel en l’adaptant au jeu vidéo Pizza Tower. Absurde, la réponse a un je ne sais quoi de La Vie de Brian.
. Un journaliste d’AlloCiné a demandé à ChatGPT quel était le mystérieux contenu de la mallette au cœur de Pulp Fiction. Le résultat est à la fois logique et décevant.
. Au cœur de la grève de la Writers Guild of America qui frappe Hollywood, le scénariste Billy Ray a interviewé une I.A., notamment sur sa capacité à écrire un scénario en imitant son style. Très ironiquement, Billy Ray était l’un des auteurs du scénario de Terminator : Dark Fate.
. La version 5.2 du générateur star d’images Midjourney vient d’arriver. Outre des textures plus réalistes (en particulier pour la peau humaine), on peut désormais modifier le format de l’image ou effectuer des zooms dans les visuels. Le twitteur Rowan Cheung vous propose sur son fil quelques exemples étonnants des possibilités du zoom.
Et Kris Kashtanova a poussé les possibilités sur une version IA d’Où est Charlie ?
I.ARTISTE
Chris Carboni, créateur de clips et de génériques pour, notamment, Marvel (il a signé le merveilleux générique de Spider-Man : Homecoming) s’est à son tour servi de l’I.A. pour créer une œuvre totalement originale. Hairy Pouter se base sur le résumé très approximatif que fait Lillian, 98 ans, du roman Harry Potter à l’école des sorciers. Les propos enjoués mais décousus de l’honorable lectrice ont nourri une I.A. génératrice d’images. Les visuels obtenus ont été ensuite sélectionnés, montés et animés par Chris Carboni sur une musique jazzy de Charles Di Raimondo. Le résultat, entre Botero et Francis Bacon, vaut le coup d’œil.
+ vous pouvez en apprendre un peu plus sur la fabrication d’Hairy Pouter sur le site officiel de Chris Carboni.
I.A. EXPERIENCE
Thiery Ardisson vient de proposer sur France TV un nouvel épisode de son émission Hôtel du temps, consacré à Coluche. Comme pour le premier épisode consacré à Dalida, le présentateur pénètre les murs d’un hôtel magique où semblent vivre pour l’éternité des stars décédées. La résurrection de ces personnalités fut permise par les prouesses d’une version améliorée du DeepFake (surnommée le Face Retriever) créée par la société française McGuff avec, à sa tête, un pionnier des effets spéciaux numériques, Rodolphe Chabrier. On en profite pour vous signaler que ce concept lugubre mais fascinant a été racheté par Warner Bros. pour une exploitation à l’international, et ce même si le premier épisode d’Hôtel du temps n’a pas convaincu le public français.
+ on vous invite, à cette occasion, à voir (ou revoir) la passionnante conférence que Chabrier et Ardisson avaient donnée au Paris Digital Summit en janvier 2022.
I.A la semaine prochaine !
