« Les Feuilles mortes » d’Aki Kaurismäki : l’espoir contre-attaque

[CRITIQUE] Sublimant son goût pour les amoureux solitaires, Aki Kaurismäki signe une irrésistible fable politico-sentimentale très ancrée dans le présent, dans laquelle la croyance romantique constitue l’ultime rempart contre les angoisses de guerre généralisée.


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Le film a obtenu le Prix du jury au Festival de Cannes 2023.

En quarante ans de carrière et une vingtaine de films remplis de chaleureuse mélancolie, de cadrages millimétrés et de critiques des injustices économiques, Aki Kaurismäki a su créer un style cinématographique reconnaissable entre mille. Mais plutôt que de se reposer sur ses acquis et sur la seule nostalgie, le cinéaste – de retour six ans après L’Autre côté de l’espoir – délivre avec Les Feuilles mortes un opus à la toile de fond très contemporaine, faisant dès le départ entendre des flashs radiophoniques qui relatent l’actuelle guerre en Ukraine dont on sait qu’elle préoccupe particulièrement la Finlande qui possède plus de 1000 kilomètres de frontière avec la Russie.

« Les Feuilles mortes » d’Ari Kaurismäki se dévoile dans une première bande-annonce mélancolique

Comme pour tenter de contrer cette triste situation, le film narre la rencontre à Helsinki entre deux quadragénaires solitaires et désargentés qui vont chacun voir en l’autre la possibilité d’un amour. Lui s’appelle Holappa (Jussi Vatanen) et est ouvrier précaire sur des chantiers. Elle se prénomme Ansa (Alma Pöysti) et va de petit boulot en petit boulot dans des supermarchés et des bars. Leur histoire sentimentale sera semée d’embûches en tous genres, parmi lesquelles l’alcoolisme dévorant du garçon, mais Aki Kaurismäki dynamise ce chassé-croisé amoureux en entourant le duo d’une myriade de microsituations hilarantes qui confèrent vitalité et engagement au tableau général.

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Plusieurs dialogues montrent ainsi des femmes se plaindre de façon cinglante de la médiocrité des mâles, aspect qui fait écho à la relation d’Holappa et Ansa où cette dernière fait à un moment donné la majorité des efforts. Parsemé de clins d’œil cinéphiles à Jim Jarmusch, Charlie Chaplin ou Robert Bresson, le film trouve son supplément d’âme dans une dernière partie qui glorifie la nécessité de lutter pour garder espoir en l’avenir. Ne pas céder au cynisme ni à l’abattement et croire encore aux vertus de la solidarité, voilà un des plus exaltants programmes que pouvait offrir cette année la compétition cannoise – le film en est reparti avec le Prix du jury.

Les Feuilles mortes d’Aki Kaurismäki, Diaphana (1 h 21), sortie le 20 septembre