« L’absence d’argent donne de la vitalité », dégaine-t-elle, mi-frondeuse mi-désabusée, à propos de la fabrication de son premier court métrage. En 2014, taraudée par une envie de comédie que lui refuse le circuit classique, cette ancienne élève en arts du spectacle du conservatoire de Paris Xe part sur les routes avec sa caméra. Se présente à elle, dans une ferme de la Loire, un vélo qu’elle prénomme Spartacus, et les voilà lancés vers la Grèce.
« J’adorais Ulysse et les dieux de l’Olympe. Et puis, après la crise en Grèce, j’avais entendu plein de légendes sur des lieux autogérés, des quartiers anarchistes qui survivaient avec rien… » Une fuite en avant fauchée, capturée dans ses moments de liesse comme dans ses grandes solitudes, qui s’échelonne sur près d’une décennie.
« Tous les ans, je retournais sur mes traces parce qu’il fallait que j’esquive ma vie. Mon film était devenu une obsession. » En 2022, son projet étant lauréat de la sélection GREC Rush, Sara Ganem se confronte à la somme d’images qu’elle a glanées pour en extraire un court métrage. « C’est au moment où il a fallu tout ranger que j’ai trouvé la vraie histoire, que j’ai compris qu’être coincée dans son voyage, c’est une force narrative. La structure de mon film est une métaphore de ma vie, avec tous ses détours. » Si Petit Spartacus voyage dans sa propre mémoire – entre allusions à des épisodes à venir et rembobinages annoncés en voix off –, c’est qu’il raconte les chemins de traverse qu’il lui a fallu emprunter pour dialoguer avec un traumatisme enfoui.
Et Sara Ganem, 37 ans maintenant, d’inventer une forme qui accueille sa cadence, son urgence et son clown. En plus d’alimenter son hilarante chaîne YouTube Sara Fistole, elle voyage actuellement dans « deux projets de courts métrages de fiction mêlés à un dispositif documentaire un peu brut, dont une dystopie post-catastrophe nucléaire ». Et Saraparti !
Photo : Julien Liénard pour TROISCOULEURS