Foudroyée par la beauté aliénante de Leonardo DiCaprio dans Roméo + Juliette de Baz Luhrmann, je regardais le film en boucle, seule, et prolongeais les séances par de longues rêveries sur mon lit en écoutant Radiohead. J’avais ensuite épluché avec méthode toute la filmographie de l’acteur, guettant même sa plus infime apparition. J’étais une fan. Et même si j’étais encore loin de Kathy Bates dans Misery de Rob Reiner, j’ai gardé un souvenir très vif de cette idolâtrie passagère.
Depuis vingt ans, aucun sex-symbol masculin de la fabrique hollywoodienne n’avait déclenché en moi le moindre émoi : Timothée Chalamet, Robert Pattinson… Preuve ultime de maturité, j’avais même une tendresse mélancolique pour ces jolis éphèbes, ces « lolitos » jetés en pâture comme de vulgaires bouts de jambon. Je pensais être hors de danger. Et puis j’ai vu Jacob Elordi, coup sur coup dans Saltburn d’Emerald Fennell et Priscilla de Sofia Coppola, et j’ai reconnu la brûlure de la groupie. Qui était cette créature à la beauté du diable ? Pourquoi ne l’avais-je pas vu venir ? Je revenais en arrière et visionnais Euphoria, The Sweet East, Eaux profondes et même l’effroyable saga The Kissing Booth. Là, j’ai su que la situation était critique.
Il avait réveillé l’adolescente énamourée en moi. Bien sûr, il y avait une armée de groupies de tous les âges, de tous les genres et de toutes les nationalités frappées du même mal que moi. L’année 2024 sera l’année de Jacob Elordi. Pourtant, l’image qu’il a formée est celle d’un garçon arrogant, désinvolte, violent ; en termes plus triviaux, celle d’un irrésistible connard. Son sex-appeal est plus proche d’un Marlon Brando ou d’un Sean Connery que d’un Timothée Chalamet. Quelque chose d’anachronique se dégage de lui, une toxicité ravageuse très années 1950, qui semble contaminer les productions dans lesquelles il apparaît.
Jacob Elordi dans Priscilla de Sofia Coppola (c) ARP Selection
En 2024, il entrera dans la galaxie de Paul Schrader et incarnera la créature dans le Frankenstein de Guillermo del Toro. Une créature, oui, sorte d’anomalie dans la matrice, à contre-courant de l’époque : voilà ce qu’incarne Jacob Elordi et qui affole secrètement les groupies. Élément encore plus surprenant, les marques, hypnotisées par l’« Euphoria effect », tentent de le faire entrer dans la case de l’homme baby girl, et l’acteur joue le jeu, n’hésitant pas à se promener avec un sac à main ou à avouer un crush sur Orlando Bloom avec l’amusement du loup qui pénètre dans la bergerie (queer).
Photo de couverture : Jacob Elordi dans Saltburn (c) Amazon Prime