Kitsch et mollasson, Looker s’est néanmoins imposé comme un pionnier de l’utilisation des images de synthèse au cinéma, avec une scène où figure un modèle numérique en 3D de femme, conçu par Information International Inc. Mais surtout, Looker prend aujourd’hui une résonnance tout à fait particulière avec l’essor récent de Aitana Lopez.
Cette Barcelonaise de 25 ans est devenue une petite star sur les réseaux sociaux depuis l’été dernier avec ses cheveux roses et une silhouette longiligne qu’elle doit, selon elle, à sa passion pour le fitness. À la fois mannequin et influenceuse, elle gagnerait entre 3 000 et 10 000 euros par mois. Mais surtout, comme le début de son prénom l’indique, Aitana est un modèle numérique, conçue à l’aide d’I.A. par deux piliers de l’agence espagnole The Clueless, Rubén Cruz et Diana Nunez. Fatigués de devoir gérer l’égo des petites célébrités qu’ils avaient sous contrat, le duo a décidé de créer, comme dans Looker, une mannequin sur mesure, qu’ils pourraient modeler et exploiter à loisir.
Photo : Capture de l’Instagram d.
Le succès d’Aitana Lopez n’est pas un cas isolé : les mannequins virtuels ont le vent en poupe sur la toile. Ainsi, la compagnie ZMO.ai propose aux couturiers de leur générer un mannequin par I.A. à partir d’une simple photo de leurs vêtements. Nous pourrions remonter plus loin encore avec Lil Miquela, vedette virtuelle créée en 2016 par deux Américains, Trevor McFedries et Sara Decou. Non contente d’apparaître régulièrement aux cotés de vraies stars, Lil Miquela a récemment figuré dans une pub pour une célèbre marque de voiture électrique.
On peut s’inquiéter de ce nouveau marché, surtout quand on constate qu’une des (petites) sources de revenus des créateurs d’Aitana Lopez vient de sa participation au réseau social Fanvue où, pour quelques euros, ses fans peuvent la voir s’exhiber dans des tenues aguichantes. On peut surtout regretter que la perfection littéralement inhumaine de ces modèles ne soit un mauvais exemple pour ses fans, même si elle fait écho à l’appétence de quantité de stars pour la chirurgie plastique et les filtres qui pullulent sur les réseaux sociaux. Enfin, il faut condamner le caractère très normé de ces nouvelles vedettes virtuelles : ce ne sont, pour ainsi dire, que des femmes jeunes, d’une beauté archi convenue qui, au mieux, se réclament de la communauté LGBT comme Lil Miquela.
On peut aussi se demander si cette mouvance ne va pas générer une nouvelle forme de narration puisque, comme l’a expliqué Rubén Cruz à Euronews, « Nous nous sommes rendu compte que les gens suivent les vies, pas les images. Comme elle [Aitana Lopez ] n’est pas vivante, nous devions lui donner une forme de réalité pour que les gens puissent s’identifier à elle dans une certaine mesure. En somme, nous devons raconter une histoire ». En étant optimistes, on pourrait donc s’imaginer que, parce qu’elles sont trop normées, donc trop évidentes et prévisibles, ces starlettes pourraient vite lasser le public. Et on peut rêver que la prochaine star numérique doive sa popularité à la singularité de son apparence, comme de son récit.
EN + L’un des modèles I.A. les plus populaires, Shudu créée par The Digitals, a assisté à l’avant première de The Creator de Gareth Evans ! La preuve par l’image.
EN + L’excellente chaine YouTube CGM a consacré un épisode aux images de synthèse de Looker.
EN + Un article de Vogue raconte le clash entre Lil Miquela et une autre mannequin/influenceuse virtuelle, Bermuda.
I.A. Playlist
Après le robot de Boston Dynamics agrémenté de ChatGPT, le très troublant robot humanoïde de Figure démontre ses capacités.
L’équipe de Corridor Crew a encore frappé avec ce très amusant deepfake qui remplace Hugh Jackman par Danny DeVito dans le rôle de Wolverine.
Le partenariat entre Le Monde et OpenAI dévoilé dans France Culture.
Des affiches de films imaginaires, basées sur les plus célèbres répliques d’Arnold Schwarzenegger.
Photo : Affiche du film Looker de Michael Crichton.
