Ce film surprenant épouse l’éclectisme de l’artiste estonienne multicasquette Anna Hints, également scénariste, compositrice et chanteuse. La cinéaste a filmé durant sept ans, dans l’intimité des saunas sacrés d’Estonie, des scènes ritualisées et, surtout, la parole de femmes. Ces dernières se livrent sans ambages, faisant sauter les verrous des tabous, dans la fumée des pierres brûlantes. À la fois rugueux et soigné, Smoke Sauna Sisterhood est baigné de lumières picturales et d’une bande-son envoûtante à la Dead Can Dance.
Dans la vapeur cathartique de ce sauna-confessionnal, Anna Hints recueille des témoignages tour à tour intimes et pudiques. Souvent, seuls les corps sont filmés, chairs magnifiées qui se détachent de l’écrin noir des bains. Ou bien la caméra s’attarde uniquement sur les visages attentifs qui accueillent les aveux. Un récit implacable de la violence patriarcale chuchotée, raillée et, surtout, partagée avec beaucoup de complicité.
En respirations, des paysages magnifiques, aussi incarnés que ces femmes combatives, assurent des moments mystiques qui donnent à ce documentaire un souffle éminemment épique. La fumée se propage du sauna à la forêt, évoquant un conte de fées dont Smoke Sauna… partage l’aspect initiatique. Sauf qu’ici les fées se sont muées en sorcières.
Smoke Sauna Sisterhood d’Anna Hints, Les Alchimistes (1 h 29), sortie le 20 mars.