A l’abordage de Guillaume Brac
« À l’abordage ! » : le cri prévient une collision. Chez Guillaume Brac, c’est celle des classes sociales, celle aussi des sentiments. Lettres blanches sur cartons rouges, un son de fête et le film démarre. Félix (Éric Nantchouang) danse avec Alma (Asma Messaoudene) et le choc a lieu. Lui vient de La Courneuve, elle des beaux quartiers. De là partira l’expédition, non pas maritime mais intime, vers un camping de la Drôme. « De toute façon il faut foncer », règle Félix, avide d’amour et de vacances.
Accompagné de son ami Chérif (Salif Cissé), il s’embarque dans une excursion surprise en BlaBlaCar avec Édouard (Édouard Sulpice), polo bermuda dans la Renault de sa petite maman. Le nouveau film de l’auteur de Contes de juillet poursuit tout en drôlerie et en finesse son exploration des amours de saison et des rencontres inopinées. À la manière de L’Île au trésor, la loufoquerie des péripéties de ces jeunes sublime l’insouciance des beaux jours et les miracles des collisions sociales.
Mais l’éphémérité de ces instants plane toujours comme une ombre dans le monde de Brac. Subtilement politique, À l’abordage ! est un nouveau film très rohmérien, plein de tendresse et d’humour, qui démarre en trombe pour vingt minutes irrésistibles. Malgré quelques longueurs ensuite, ce nouveau conte d’été reste un pur bonheur, comme trois boules vanille sous le soleil. Pour lui aussi, il faut foncer. JONATHAN TRULLARD
3 questions À GUILLAUME BRAC
Les classes sociales se télescopent dans ce camping. Le projet était-il de montrer une réparation des inégalités ?
La question de l’effacement des différences sociales est centrale dans mes films, à travers ces rencontres inattendues qui peuvent faire dévier chacun de son rail. Mais ce projet est né de la diversité sociale réelle de la promo avec laquelle j’ai travaillé au Conservatoire.
L’insouciance semble être l’éternel sujet de votre cinéma. Vous semble-t-elle de plus en plus menacée de nos jours ?
Sans vouloir présenter un manifeste, je pense que mon rapport à l’insouciance se retrouve aussi dans ma manière de faire des films, avec une volonté d’échapper à une forme de normalisation, par des scénarios peu verrouillés et une économie restreinte.
Quelle part avez-vous laissée à l’improvisation dans ce film ?
Pas mal de choses ont émergé des séances d’improvisation organisées en amont du tournage. Mais sur le plateau, rares étaient les scènes entièrement improvisées, même si la précision de l’écriture était variable, notamment pour les non-comédiens comme la vieille dame ou le garagiste.
Image : Copyright 2020 – GEKO FILMS – ARTE FRAN