Toute la beauté et le sang verséde Laura Poitras (2022)
Nan Goldin a révolutionné l’art de la photographie en documentant l’intimité de ceux et celles que l’Amérique refusait de voir. C’est aussi une activiste infatigable qui se bat aujourd’hui contre la famille Sackler, responsable de la crise des opiacés aux États Unis. Le talent de Laura Poitras, documentariste aussi radicale que primée, est de révéler l’archéologie de cette révolte, en tissant des liens sensibles entre le deuil d’une soeur qui se jette sous un train et les combats artistiques et politiques futurs de Nan Goldin. On en ressort enragés et éblouis par cette femme qui refuse de fermer les yeux, même si l’on tente de les lui crever.
« Toute la beauté et le sang versé » de Laura Poitras : quand l’art s’engage
Naissance des pieuvres de Céline Sciamma (2007)
Une collection « Celine Sciamma » débarque sur Netflix. Pour célébrer cette nouvelle réjouissante (et un brin suspecte), pourquoi ne pas commencer par le début ? Le premier long métrage de la réalisatrice nous plonge dans les premiers émois sexuels d’un trio de jeunes filles. Le film brille d’abord pour tout ce qu’il refuse d’être et son calme surprenant, le refus de séduction de la mise en scène, les adultes hors champs. Si , elle reste à distance et révèle les vertiges, les errances et le douloureux ajustement de leurs désirs au réel. C’est un film d’une densité folle, en avance sur son temps.
Récréations de Claire Simon (1992)
Tourné en 1991, ce chef d’œuvre documentaire nous ouvre les portes d’un monde à part, la cour de récré, et celles du début de la vie, avec des enfants de maternelle. Cette cour a sa propre monnaie, « les bâtons de marronniers », elle est le théâtre des prémisses de la vie en société ; on s’affronte, on se console, on joue malgré soi le rôle auquel on est assigné. Le documentaire est brutal, féroce, proche d’un cauchemar déréalisé dans lequel la loi du plus fort règne et la moindre barrière peut devenir une prison éphémère. C’est une expérience sociologique de la servitude humaine, une expérience sidérante, parfois effrayante, très loin de l’idée que l’on s’en fait à l’évocation du titre.
Midsommar d’Ari Aster (2019)
Un étudiant en anthropologie décide de faire découvrir à ses amis un festival unique, Midsommar. Suite à une tragédie familiale, sa petite amie (Florence Pugh) se joint à eux. Après Hérédité, le petit prodige de l’horreur américaine nous emporte dans le monde merveilleux d’une tribu new age. Avec cette joyeuse bande, on découvre des tableaux folkloriques étrangement ensoleillés – mais qui vont tourner au jeu de massacre lors de rituels païens sanglants. La force d’Ari Aster, c’est de proposer une expérience de cinéma totale, profondément dérangeante, avec une touche d’humour un peu malade. Un grand film d’horreur mental.
Ari Aster : « J’ai toujours vu la famille comme une espèce de trou noir »
Chair de poule – le film de Rob Letterman (2016, dès 8 ans)
J’écris cette recommandation sous la contrainte d’une enfant de 8 ans. Son verdict à la fin du film m’a rangée sur l’étagère des vieux machins nostalgiques : « C’est vachement mieux que tes Gremlins, maman ! » Je ne relancerai pas la polémique en précisant que la dramaturgie est proche de celle du film de Joe Dante. Chair de poule, c’est d’abord une collection de livres horrifiques signée par R.L Stine, le Stephen King des mômes. Rob Letterman célèbre son écriture dans un film pensé comme un festival de monstres bourré d’imagination. Et surtout, ça fait rire aux éclats les gamins. Pourquoi s’en priver ?
La Merveilleuse Histoire de Henry Sugar / Le Cygne / Poison / Le Preneur de rats de Wes Anderson (2023)
Cette série de courts métrages pourrait s’appeler « la merveilleuse histoire de Wes Anderson et Roald Dahl » tant leurs univers se mêlent parfaitement. Un monde peuplé d’hommes qui trichent, voient sans leurs yeux, tyrannisent des garçons chétifs, dans lequel des serpents se lovent sous les draps… Après l’adaptation de Fantastic Mr. Fox, le dandy méticuleux s’en donne à cœur joie en piochant dans les nouvelles de Road Dahl et nous livre quatre contes délicats, fantaisistes et un brin toxiques. Totalement irrésistible.