Dans Le Règne animal, présenté en ouverture de la sélection Un certain regard, ils sont même absolument partout. Les humains ont désormais tendance à muter en animaux. Les hommes-poulpes dévalisent les rayons poissonneries des supermarchés et Lana, l’épouse de François (Romain Duris) et mère de leur fils Emile (Paul Kircher) – le casting se complète avec les excellents Adèle Exarchopoulos et Tom Mercier -, est plus proche de l’ours que de la femme. Parce que ces « bestioles » très nerveuses font peur à tout le monde, on les enferme dans des centres spécialisés, qui ressemblent furieusement à des prisons. Lorsque Lana est transférée dans le sud de la France, François et Emile partent s’y installer. Mais bien sûr, rien ne se passera comme prévu.
Le Règne animal reprend certains motifs des Combattants, notamment la nécessité, pour les personnages, de faire un petit tour dans les bois et d’y renouer avec la nature. On y retrouve aussi le regard doux que projette Cailley sur les jeunes hommes en construction et leurs premiers émois. Mais le cinéaste quitte la comédie d’aventure pour se tourner vers le thriller fantastico-horrifique.
Un cinéma de genre qui se prend suffisamment au sérieux pour ne pas se contenter du pastiche, tout en gardant avant tout l’ambition, si noble, d’emporter le spectateur aux confins du divertissement. Le Règne animal distille ses pistes intelligentes, questionne notre rapport à l’étranger en se demandant qui sont les vrais monstres. Et se paie le luxe, entre deux scènes d’action menées tambour battant, de s’arrêter soudain pour contempler, avec tout autant de talent et de sincérité, l’amour que se portent les membres d’une famille envers et contre tout.
« Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience », répète François à son fils, citant René Char. Thomas Cailley, lui, est venu troubler le cinéma français. Pour le meilleur.
Le Règne animal de Thomas Cailley, StudioCanal (2 h 08), sortie le 4 octobre