D’après Le Monde et l’AFP, Judith Godrèche se serait rendue mardi 6 février 2024 à la brigade de protection des mineurs de la police judiciaire de Paris pour porter plainte contre Benoît Jacquot pour « viols avec violences sur mineur de moins de 15 ans ». Un acte qui s’inscrit dans la démarche de libération de la parole entamée par Judith Godrèche depuis décembre dernier.
Tout a commencé avec la sortie de la série Icon Of French Cinema (disponible sur Arte). Au cours des six épisodes, Judith Godrèche parodiait sa vie en racontant son retour en France après avoir vécu plusieurs années aux Etats-Unis. Entre les scènes de comédie se déroulant dans un Paris coloré, l’actrice a incorporé quelques flashbacks, bien plus sombres, évoquant l’un de ses premiers tournages et sa relation avec un réalisateur ayant le triple de son âge. Même s’il était aisé de reconnaître Benoît Jacquot, qui a dirigé Judith Godrèche dans Les Mendiants (1988) alors qu’elle avait 14 ans et lui 39, il est anonymisé dans la série (sous le nom d’emprunt Eric, incarné par Loïc Corbery de la Comédie Française).
Avec ces flashbacks, Judith Godrèche souhaitait mettre en avant la détresse de cette jeune fille abandonnée dans un monde d’adultes, constitué exclusivement d’hommes : “J’ai essayé de retrouver mes mots, de m’approcher d’une vérité et de parler de ceux qui abusent de leur emprise, de décrypter ce mécanisme. Mais la solitude de mon personnage enfant dans la série vit toujours en moi. Je ne m’en suis pas émancipée”, nous confiait-elle dans un entretien en décembre dernier.
L’affaire aurait pu en rester là. Mais en janvier dernier, des extraits d’un documentaire réalisé en 2011 par le psychologue Gérard Miller (depuis accusé de viols selon Mediapart) ont circulé sur les réseaux sociaux. Au cours de l’un d’eux, Benoît Jacquot évoque sa relation avec la jeune actrice. Il affirme que c’est elle “qui a braqué son désir” sur lui avant d’encenser ces pratiques dans le monde du cinéma : “Faire du cinéma est une sorte de couverture pour des moeurs de ce type là. Et en même temps, dans le landerneau cinématographique on peut sentir qu’il y a une certaine estime, d’autres aimeraient bien pratiquer aussi. Ce qui n’est pas désagréable d’ailleurs.”
Le réalisateur y avoue également que son comportement – répété à l’égard de plusieurs actrices – a eu un impact (bénéfique selon ses dires) sur son travail : “Quand je refais des films avec des jeunes actrices – ce qui est souvent arrivé – il y a une sorte de crainte de Barbe-Bleue. Est-ce qu’il va me sauter dessus ? Est-ce que je vais y passer moi aussi ? Aussi bien au sens prosaïque qu’amoureux. Est-ce que moi aussi je vais tomber amoureuse de lui ? Et cela produit des effets cinématographiques qui m’intéressent.”
Lorsque Judith Godrèche reçoit ces images, elle est sous le choc, comme elle le raconte au Monde. Elle décide alors de divulguer le nom du réalisateur dans une story Instagram. “Il s’appelle Benoît Jacquot. Il manipule encore celles qui pourraient associer leurs noms au mien. Témoigner. Il menace de me traîner en justice pour diffamation”, écrit-elle. Quelque semaine plus tard, le lundi 5 février, elle publie sur Instagram un nouveau message accompagné d’un extrait du documentaire de Gérard Miller.“ Notre société doit se réveiller. Il est temps”, conclut-elle dans le post.
Suite à son dépôt de plainte, Judith Godrèche a publié ce 8 février dans les colonnes du Monde une lettre à sa fille Tess Barthélemy : « Je comprends qu’il est temps de raconter mon histoire. Pour vous, pour toutes celles et ceux qui vivent encore dans un silence imposé. Dans la peur. Je sais, il se fait tard, mais je viens de comprendre. Ce truc – le consentement – je ne l’ai jamais donné. Non. Jamais au grand jamais. Alors, il est temps. »
Contacté par Le Monde, Benoît Jacquot « nie fermement les allégations et accusations » qui portent sur des faits qui paraissent prescrits, affirmant que leur relation était « amoureuse ».