Voyage intérieur autant que fuite en avant à travers le territoire russe, La Grâce est l’errance de ce couple mal assorti, interprété par la très prometteuse jeune comédienne Maria Lukyanova et par Gela Chitava. Écrit pendant le confinement, tourné sur une pellicule qui laisse apparaître un gros grain, ce récit d’une vie minimale se ponctue d’étapes dans des bourgades désolées, où père et fille nouent chacun de son côté de fugitives étreintes, évoquant les êtres de solitude des premiers films d’Aki Kaurismäki à la fin des années 1980.
Par la petite fenêtre de l’habitacle défile un paysage désolé jusqu’aux vents glaciaux de la mer de Barents. Leur camion cache un écran de fortune sur lequel le père projette des films en plein air pour un public improbable. Un commerce sous le manteau de VHS pornographiques arrondit ses fins de mois tandis que sa fille fait de troublants portraits au polaroid des âmes errantes qu’elle croise. Seules ces images qui circulent permettent de se rendre compte que l’odyssée a lieu dans les années 1990. Préservant jusqu’au bout le mystère qui entoure ses personnages, le cinéaste russe de 36 ans dessine le portrait du pays fantôme de son enfance.
La Grâce d’Ilya Povolotsky, Bodega Films (1 h 59), sortie le 24 janvier
Image (c) Blackchamber