À presque 50 ans, Iris a son propre cabinet de dentiste, un bel appartement parisien, un mari sympa (Vincent Elbaz), deux filles bonnes élèves. Mais le vernis s’écaille quand une mère qu’elle croise à l’école lui parle d’applications de rencontres. Attirée par la transgression, lassée par la routine, elle se laisse happer par cet univers de drague (virtuelle) puis de rencontres (réelles) qui la font se sentir enfin désirée…
Avec cet écrin bourgeois, le film aurait pu être déconnecté, tomber dans les travers d’un discours technophobe ou, au contraire, dans l’idéalisation. Il fallait la fantaisie du duo formé par l’actrice Laure Calamy et la réalisatrice Caroline Vignal (déjà très efficace dans Antoinette dans les Cévennes) pour éviter habilement ces dangers. Omniprésent dans nos vies, mais étrange angle mort de nos écrans de cinéma, le portable est ici une arme de séduction massive. Ses vibrations intempestives provoquent de soudaines vibrations du corps, un réveil sensuel jouissif.
Mêlant plusieurs genres librement, jouant sans cesse sur le détournement de clichés, Caroline Vignal orchestre un défilé d’hommes souvent bien différents de leurs profils – un type a priori doux se mue en stalker, un don Juan fin connaisseur du Kama-sutra se révèle plus gauche que prévu, tandis qu’un autre, un peu plus froid et musclé, est à l’opposé du macho qu’on imaginait. Comme sortie d’une version féministe et revisitée à la sauce contemporaine de Domicile conjugal de François Truffaut (avec ses scènes de lecture silencieuse dans le lit conjugal, ses lunettes de vue oversize), Iris reprend les rênes de son désir, mais quitte aussi les rives de la réalité.
Sans fermer les yeux sur le danger de l’addiction au virtuel, le film n’en tire jamais un message moralisateur. Le talent de Caroline Vignal réside dans cette façon, à la fois légère et bien ficelée, de transformer des trop-pleins de passion en mines d’or de scénarios.
Iris et les hommes de Caroline Vignal, Diaphana (1h38), sortie le 3 janvier.
Trois question à Caroline Vignal
Comment vous êtes-vous immiscée dans le monde des applis de rencontres ?
Par une amie qui m’en a parlé. J’avais l’impression que c’était plus pour les jeunes, mais je me suis inscrite, et c’était comme entrer dans le monde d’Alice aux pays des merveilles, ou dans une réalité parallèle, avec une profusion d’hommes. J’ai commencé à mener une espèce d’enquête, j’ai gardé toutes les conversations que j’avais et j’ai écrit le scénario.
Vous collaborez à nouveau avec Laure Calamy. Qu’est-ce qui vous plaît dans son jeu ?
Pour moi, la distribution est éminemment politique. Laure a un génie comique et elle est très belle, mais elle a un corps qui n’est pas tout à fait dans les normes de la télévision, de la mode – je pense que le film peut permettre à pas mal de femmes de prendre confiance en elles. Et puis Laure a cette capacité à être très charnelle, à être là à 100 %.
Dans les costumes et l’esthétique, il y a quelque chose d’assez vintage…
Mes références, c’était à la fois Belle de jour de Luis Buñuel et des films de la Nouvelle Vague. Comme il y a beaucoup de scènes d’intérieur, j’avais envie qu’il y ait du blanc et des couleurs assez franches qui se détachent de ce blanc, comme ce qu’on retrouvait beaucoup dans le cinéma des années 1960. Mon chef-opérateur, Martin Roux, et moi, on a essayé de se rapprocher le plus possible d’une image argentique.