Remake du Scarface de Howard Hawks (1933), le film de Brian De Palma sort en décembre 1983 aux États-Unis et divise la critique en raison de sa violence et de son langage cru. Écrit par Oliver Stone, le scénario voit le criminel cubain Tony Montana (Al Pacino) débarquer en Floride à la suite d’une amnistie générale. Pressé de réussir, il devient vite un baron de la drogue qui sème la mort autour de lui.
« Première incursion de De Palma dans le film de gangsters, Scarface montre la violence comme jamais auparavant : bien qu’étant excessive, baroque et d’une certaine façon jouissive, elle n’est pas déréalisée, comme elle le sera plus tard chez Tarantino », confie Nathan Réra, auteur du livre Outrages. De Daniel Lang à Brian De Palma (Rouge profond, 2021).
De fait, Scarface s’ancre dans une réalité politique en débutant par de vraies images de l’arrivée en 1980 à Miami de cent vingt-cinq mille immigrants cubains parmi lesquels s’étaient glissés vingt-cinq mille criminels libérés par Fidel Castro. Toute la violence du film s’inscrit dans une même volonté de réalisme criminel. « Les grandes effusions de sang visent à donner la pleine mesure des méthodes des narcotrafiquants. » Si certains ont cru déceler là une fétichisation de la violence, c’est au contraire l’exhibition de la férocité nichée au sein du consumérisme débridé qui fit de Scarface un film en avance sur son temps.
« La séquence de la tronçonneuse reste un modèle de mise en scène avec son lent mouvement qui fait passer la caméra de l’intérieur à l’extérieur de la salle de bains, faisant se télescoper l’univers hédoniste de Miami Beach – la plage, le soleil, les filles en bikini – et la violence extrême. » Cette stupéfiante représentation de la brutalité criminelle fera aussi sensation dix ans plus tard dans L’Impasse, dans lequel De Palma retrouvait Al Pacino pour un film de gangsters mélancolique qui confirmait que la violence constitue, selon le cinéaste, une voie sans issue.
Illustrations : Sun Bai pour TROISCOULEURS