CANNES 2024 · « Les Reines du drame » d’Alexis Langlois : Love des divas

[CRITIQUE] Folle love story à travers les âges entre deux chanteuses de télécrochet aux styles opposés (Gio Ventura et Louiza Aura, magnétiques), la comédie musicale d’Alexis Langlois réconcilie les âmes et console les cœurs brisés en mêlant références ciné pointues et pop-culture, sur une B.O. criblée de bangers signés Yelle et Rebeka Warrior. Un grand film lesbien et une fiévreuse déclaration aux divas oubliées.


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On l’a martelé : c’était parmi nos plus grandes attentes ciné 2024. Soulagement en constatant que le premier long d’Alexis Langlois tient fièrement toutes ses promesses. Le ton est donné dès l’ouverture avec une intro irrésistible de Bilal Hassani en Steevyshady, vieux youtubeur ultrabotoxé à la coupe de Coralie des L5 qui s’excuse du mal qu’il a fait à son idole Mimi Madamour (Louiza Aura) en racontant, dans une vidéo face-caméra, la déchirante histoire d’amour qu’elle a vécue avec Billie Kohler (Gio Ventura).

En 2005, la féminine et douce Mimi a eu un crush massif pour la butch et punk Billie à l’audition d’une émission défricheuse de jeunes talents. Les deux se lancent alors dans une passion enflammée mais secrète, avant de connaître au fil des années alternativement la gloire et le désenchantement.

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Comme dans ses courts féroces De la terreur mes sœurs et Les Démons de Dorothy, on retrouve l’emphase cartoonesque d’Alexis Langlois, inédite dans le paysage cinématographique français, ses actrices-fétiche (la toujours excellente Nana Benamer ou encore Raya Martigny et Dustin Muchuvitz, qui forment ici un duo de présentatrices drôlissimes et terrifiantes, entre la Séverine Ferrer de Fan de et Bataille et Fontaine), réflexion sur la gloire et la jalousie (ici à travers des nouvelles venues de choix dans son cinéma, Alma Jodorowsky, Asia Argento et Mona Soyoc, chanteuse de KaS Product) ou encore son goût pour la mythologie du placard (dans sa chambre, Mimi y pousse Billie pour la planquer de sa mère, qui ne saurait concevoir que sa fille désire une androgyne sexy à gros biceps).

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Avec un plaisir contagieux, Langlois hybride avec fluidité des réfs ciné pointues comme Phantom of the Paradise ou Le Magicien d’Oz (fil rouge de sa filmo) à des clins d’œil malins à la pop culture des années 2000, de Britney Spears et ses fans transis à Bruno Vandelli en passant par Lorie et Avril Lavigne.

Admirablement composée par Marine Atlan, l’image convoque sans hiérarchie l’esthétique du film de zombies et celle des smartphones pour mieux démonter le regard social et les méfaits de la médiatisation sur l’identité et les histoires d’amour débordantes, tandis que le récit est scandé de futurs tubes comme « Go musclées » et « Pas touche », dont Yelle et Rebeka Warrior se sont répartis la composition.

Le résultat, c’est une comédie musicale opératique détonante qui conjure les malédictions amoureuses et réserve, pour une fois, un sort tendre aux gouines et à toutes les divas oubliées.

Les Reines du drame d’Alexis Langlois (Bac Films, 1h45), prochainement à l’affiche

Le Festival de Cannes se tiendra cette année du 14 au 25 mai 2024.

Image : Les Films du poisson