Rares sont les films dont on peut dire qu’ils ont forgé une forme immédiatement reconnaissable et l’ont posée en jalon. La série des documentaires « américains » d’Arnaud des Pallières – dont Journal d’Amérique est le prolongement, plus de dix ans après le court métrage Diane Wellington (2010) et le long Poussières d’Amérique (2011) – est de cette trempe.
Chacune des œuvres se présente comme une mélopée visuelle et littéraire, dans laquelle des images d’archives se heurtent à des fragments de phrases. Les unes renseignent au moins autant qu’elles se dérobent aux autres, et leur dialogue compose une constellation de microrécits ou de poèmes, qui chantent un continent enseveli et insaisissable. Car ces archives – toutes issues du fonds privé Prelinger – sont des lambeaux de films amateurs muets, exhumés d’un passé ramené à l’état de matière celluloïd.
Autant de bribes de vies volées, d’instants anodins, autant de cérémonials familiaux, d’après-midi ensoleillées, de premières fois émues : leur beauté immanente et fanée – miracle de l’image animée ! – raconte un temps prospère qui semble révolu, brûlé par la lumière, saturé de couleurs autrefois vives, désormais irréelles.
Journal d’Amérique d’Arnaud des Pallières, Les Films de l’Atalante (1 h 52), sortie le 22 novembre.