Dès le générique du film, le ton à la fois léger et grave de ce beau film se manifeste. Une ballade musicale lance un élan mélodramatique, jusqu’à l’apparition du titre, inscrit en lettres capitales d’un bleu pétant, qui recouvre tout le cadre. Sorti en 1982, Nomad suit un quatuor de jeunes gens issus de milieux sociaux différents : Louis et Kathy, originaires de la classe aisée de Hong Kong, Tomato et Pong, de condition plus modeste. Par un jeu d’alternance, on découvre leurs idylles oisives, perturbées dans la deuxième heure par l’arrivée du mari japonais de Kathy, Shinsuke, qui a déserté l’Armée rouge japonaise.
UN CADRE IDYLLIQUE
Patrick Tam insuffle à ces idylles une grande légèreté. Lorsque Tomato et Louis se retrouvent, leurs entrevues sont accompagnées d’une mélodie au piano, rappelant celles de Michel Legrand. Leur première nuit est quasiment opératique – les deux amants, enlacés sur un lit, sont filmés dans un ralenti soigné. Un ton quasi adolescent plane sur la relation de Kathy et Pong, que le réalisateur s’amuse à filmer comme une romcom, retardant leur première fois avec un ton de franche comédie. Mais ce cadre en apparence léger se heurte à une réalité plus complexe.
RETOUR À LA RÉALITÉ
Inspiré de l’œuvre moderne de Jean-Luc Godard (éminente figure de la Nouvelle vague française), Patrick Tam propose un élan vers la rue et la liberté des corps. Il offre ainsi à ses personnages de très belles errances urbaines, tout en mettant en scène une sexualité assumée – en témoignent les posters de David Bowie, symbole de la liberté et de la fluidité du genre, dans la chambre de Louis.
Nomad porte aussi en creux une réflexion politique sur la rencontre – et le choc culturel – entre une jeunesse précaire et bourgeoise, qui voient leur insouciance voler en éclats dans un Hong Kong tiraillé entre la colonisation britannique et la convoitise chinoise durant les années 80. Entre désir d’évasion – les personnages aspirent à de nouveaux territoires, le quatuor désirant s’enfuir à bord du bateau familial de Louis, le « Nomad » – et rêverie romantique rappelée à la réalité par le contexte géopolitique, cette oeuvre inclassable venue des flamboyantes années 1980 reste longtemps en tête.
Nomad de Patrick Tam (1h33, Carlotta), sortie le 19 juin
Image : © Carlotta