« L’Histoire de Souleymane » de Boris Lojkine, à corps perdu

[CRITIQUE] Lauréat du Prix du jury et de celui du meilleur acteur pour le magnétique Abou Sangare à Un certain regard en mai, « L’Histoire de Souleymane » emprunte au thriller pour figurer le vertige de son héros face à l’obtention du droit d’asile. Un contre-la-montre sans complaisance.


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À Paris, Souleymane, la vingtaine, utilise le compte d’une connaissance pour assurer des missions de livraison de repas et gagner tout juste de quoi manger. Chaque matin, il appelle un centre d’accueil pour réserver un lit de dortoir. Le film débute alors qu’il prépare son entretien de demande d’asile à l’OFPRA auprès d’un homme qui lui conseille de raconter qu’il a fui la Guinée pour motifs politiques. Un récit dont Souleymane, ancien mécanicien, peine à retenir les détails. Comme un deuxième temps au premier long métrage de Boris Lojkine, Hope (2014), dans lequel une Nigériane et un Camerounais faisaient ensemble le chemin vers l’Europe, L’Histoire de Souleymane s’insère dans les limbes où errent les migrants, de leur arrivée en France à l’hypothétique obtention de leurs papiers.

La fiction prend d’abord des allures de documentaire en suivant Souleymane en livraison, propulsé à toute vitesse sur les étroites pistes cyclables du XVIIIe arrondissement, presque trop rapide pour que la caméra parvienne à le saisir. Fondé sur des entretiens menés auprès de livreurs par Boris Lojkine et Aline Dalbis, ancienne documentariste devenue directrice de casting, le film enrichit son naturalisme d’une embardée vers le thriller et d’une colorimétrie de polar. La capitale s’y dessine infiniment hostile, vociférante, prête à engloutir ses nouveaux enfants. Puis, repue, les laisse essuyer la solitude et, dans le cas de Souleymane, le deuil d’une vie guinéenne. Dans la course ininterrompue du jeune homme taiseux, tout entier à sa quête, le film donne à voir l’extrême densité d’une simple journée passée à repousser les dettes, le sommeil et les sollicitations avec, comme épée de Damoclès, la menace d’un refus d’asile. À la vivacité du montage, qui rappelle celle d’À plein temps d’Éric Gravel (2021), Boris Lojkine adjoint la virtuosité d’Abou Sangare, dont c’est le tout premier rôle et qui emporte son personnage dans des émotions subtiles.

L’Histoire de Souleymane, sortie le 9 Octobre de Boris Lojkine, Pyramide (1 h 33)