QUEER GUEST est une série d’articles issue de , le cinéma LGBTQ+ raconté par la journaliste Timé Zoppé.
« Les premières images dont je me souvienne viennent de la série à saison unique, Angela, 15 ans, sortie en 1995. On y suit la vie d’une lycéenne en pleine crise existentielle. La série s’ouvre sur Angela qui se teint les cheveux pour passer du brun au roux, ce qui lui vaut les remarques immédiates de sa mère : « Ah bah comme ça on te perdra pas dans la foule ». J’ai regardé cette série en boucle de mes 13 à 16 ans à peu près. Dans ma famille, nous sommes cinq enfants, et j’ai toujours eu la réputation de vouloir trop changer, d’être bizarre. Je voulais les cheveux courts et colorés et m’habiller comme je voulais. Je me suis longtemps senti proche d’Angela, qui a soif de changement et qui voudrait qu’on la laisse explorer des choses tranquillement.
Dans cette même série, le personnage de Ricky m’a énormément marqué. Il est gay, probablement non binaire si le terme avait été courant dans les années 1990. Je me suis reconnu dans son esthétique et son identité. Mais la vie de ce personnage était franchement horrible : battu par sa famille, sans-abri, vivant de nombreuses violences et sans amour. Je n’ai pas eu du tout envie d’être comme lui, ça faisait trop peur. Alors j’ai mis ça de côté.
A 16-17 ans, ma mère m’a aussi montré Le Secret de Brokeback Mountain en me disant qu’à son époque ça avait permis à plein de mecs gays de s’assumer. Je suis content qu’elle me l’ait montré. Mais j’ai été marqué par la violence de la scène de sexe dans la tente. Il y a si peu de tendresse dans ce film, beaucoup de honte, j’ai refusé de m’y identifier. Comme Ricky, j’avais l’impression que la vie d’un mec homosexuel était forcément horrible et violente. Les meufs lesbiennes, elles, n’ont existé dans mon iconographie personnelle que beaucoup plus tard.
Le Secret de Brokeback Mountain d’Ang Lee (c) Pathé Distribution
J’ai commencé à voir des meufs lesbiennes plutôt dans des séries à grande audience. Par exemple, j’ai adoré le couple Callie-Arizona dans Grey’s Anatomy. La Vie d’Adèle m’a aussi beaucoup marqué, notamment une scène : celle où Adèle danse avec ses amix et qui marque la fin de la première partie du film. Ça m’a marqué parce qu’elle danse comme si elle était enfin libérée d’un poids. On sent qu’elle se sent elle-même, soulagée d’assumer son amour pour une meuf. Je ne me suis pas senti connecté à l’identité lesbienne, mais j’ai pleuré toutes mes larmes en voyant cette scène de danse. J’espérais qu’un jour moi aussi j’aurais cette sensation de soulagement et de savoir que je suis à ma place. Je vous rassure, c’est le cas aujourd’hui.
Grey’s Anatomy de Shonda Rhimes (c) ABC/Anne Marie Fox
J’ai peu d’images à part celles-ci. Dès qu’il y avait un couple homosexuel à la télé, on changeait de scène et on nous disait « c’est pour les adultes ». A côté de ça, on regardait en boucle Titanic où des hétérosexuels baisent carrément dans une voiture, mais ça c’était pas considéré « pour les adultes ». Ce n’est que quand les plateformes de streaming sont arrivées, genre Netflix, que j’ai pu regarder tout ce qu’il y avait dans la catégorie LGBT. Ces images de couples gays, parfois de personnes trans, m’ont aidé à me projeter dans un avenir heureux en étant un mec trans non binaire et gay. C’est en partie pour ça que j’ai voulu créer un spectacle d’humour « feel good » où je montre qu’être trans c’est heureux, ce qui est dur c’est la transphobie. Je conseille un documentaire sur Netflix qui explique bien le problème de la représentation queer et trans : Identités trans : au-delà de l’image [produit par l’actrice Laverne Cox en 2020, ndlr].
QUEER GUEST · Sam Bourcier : « Nous avons dû lutter pour arriver jusqu’aux écrans. »
Nous avons si peu d’archives queers que toutes les séries et tous les films queers sont pour moi des inspirations esthétiques. Je m’en inspire pour les lumières de mon spectacle, mais aussi dans l’écriture. Les séries queers en particulier me permettent de comprendre que je ne suis pas le seul à me poser certaines questions, et que cela vaut le coup d’écrire un sketch de stand up dessus. »
Spectacle « Merou » de Lou Trotignon, à la Nouvelle Seine à Paris à partir du 13 Septembre, tous les vendredis et samedis à 21h00 et en tournée
Chronique « Avant le Samedi j’avais badminton, maintenant j’ai manif » dans Le Grand dimanche Soir sur France Inter, le 18 juin 2024