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Dans les sociétés occidentales, on a une pensée pour ces ouvriers quand on tombe sur les étiquettes « Made in China » de nos vêtements. S’il n’y avait Wang Bing, grand documentariste qui ausculte son pays avec sa caméra depuis A l’Ouest des rails, en 2003, on ne connaitrait sans doute pas – ou pas avec ce sentiment de proximité – de véritables visages et destins de citoyens chinois.
Après Jeunesse (Le Printemps) en Compétition à Cannes 2023 et sorti en janvier dernier, puis Jeunesse (Les Tourments) montré au festival de Locarno cet été, voilà le troisième et dernier volet de la saga de Wang Bing sur ces jeunes ouvriers, qu’il a suivis de 2014 à 2019, émigrés de la région du Yunnan pour celle économiquement et industriellement plus prospère du Zhejiang.
Charbonnant sur des machines à coudre 15 heures par jour, 7 jours sur 7, avec seulement un soir de congé par semaine, payés au lance-pierre sans contrat, ces hommes et femmes dans la vingtaine n’en perdent pas moins l’espoir d’un futur plus clément. Alors même que certains perdent leur maigre salaire au jeu, doivent nourrir leurs enfants ou revenir s’occuper de leurs aïeux à des milliers de kilomètres de Zhili, leur jeunesse semble les protéger du défaitisme et de l’amertume.
Comme à son habitude, Wang Bing s’immerge tout entier dans le milieu et les gens qu’il observe pour nous emporter avec lui, se calant par exemple dans les recoins d’un train bondé qui traverse la région pour emmener les travailleurs chez leurs proches pour le Nouvel an, et continuant de suivre au plus près un couple aux relations complexes, Mu Fei et Dong Minyang, dans les montagnes difficiles d’accès où vivent encore leur famille. Le souffle de Wang Bing dans le micro de la caméra nous accompagne et fait écho au nôtre.
A tel point qu’au bout des 2h34 de film, on a l’impression d’avoir éprouvé l’expérience avec lui : on a senti le froid glacer nos mains en voyant un homme laver des oignons au robinet, sous la neige ; on a senti l’isolement de la grand-mère de Mu Fei, qui passe ses journées à fixer son feu dans la cabane dépouillée qu’elle occupe dans le village ; on a les oreilles qui sifflent et les yeux qui crépitent de tous les feux d’artifices allumés pour le Nouvel an puis pour un mariage.
Mais cet aspect sensoriel n’a d’autre objectif que de nous rendre sensibles aux émois, joies et difficultés que traversent ces habitants, sans jamais céder la moindre place au misérabilisme. Car, au milieu, semble nous dire Wang Bing, brûle un feu inextinguible : l’énergie universelle de la jeunesse.
Le film n’a pas encore de date de sortie en salles.